Hirata Hiroshi signe, avec La force des humbles, un recueil de récits hauts en couleurs et dignes des plus grands maîtres du Gekiga. Ce genre du manga, encore assez mal connu en France, est destiné avant tout aux adultes, et s’adresse à un public plus mûr que le Seinen (dont la cible est centrée sur les 15-30 ans). Jiro Tanigushi (Quartier lointain, Le sommet des dieux…) en est l’un des plus illustres représentants.
Mais revenons au bel ouvrage de Hiroshi. La force des humbles rassemble une dizaine d’épisodes marquants de l’époque des samouraïs. Ce qui frappe en premier, comme dans ses autres œuvres, c’est le trait. Riche, précis, soigné. Et pourtant doté d’un rare dynamisme. En termes de nervosité, mais aussi pour ce qui est du jeu sur les épaisseurs, on pourrait le comparer à John Buscema, un des illustrateurs historiques du Conan de Marvel. En plus de cela, Hiroshi soigne ses bébés. Il doit passer un temps fou sur ses planches pour parvenir à un tel niveau de détail. Le lecteur se prêtera facilement à son jeu et pourra s’attarder sur chaque page pour en savourer l’élégance et la précision. Tenues, bâtisses, paysages, tout a fait l’objet d’une étude approfondie. Ce qui renforce le sentiment d’immersion.
Et ce n’est pas tout. Car en plus d’être un dessinateur exceptionnel, l’auteur est aussi un conteur hors pair. Ses récits tiennent en haleine et impriment l’imagination. Comme le titre l’indique, ils ne racontent pas la vie d’illustres samouraïs, mais de serviteurs d’extraction plus ou moins obscure, qui sont parvenus à marquer leur temps grâce à leur caractère exceptionnel. Jusqu’à inspirer des chroniques. Et c’est directement à la source, dans des ouvrages datant du moyen-âge japonnais, que Hiroshi est allé puiser. Pour nous offrir, au final, une sorte de pendant nippon aux Chroniques italiennes de Sthendal.
Ces personnages sont dotés de passions hors du commun, et guidés par un sentiment de justice qui les élève moralement bien au-dessus de leurs maîtres. On croise par exemple un poissonnier prêt à défendre la dépouille de l’empereur contre l’ensemble de la cour, un vieux chef de village qui sacrifie sa vie pour mettre fin à une querelle sanglante, un précepteur capable de se mutiler dans l’espoir de guérir son jeune suzerain…
A la fin de chaque anecdote, une page est consacrée à une sorte d’entretien entre l’auteur et son personnage. Cette conclusion fait partie intégrante de chaque nouvelle graphique. L’auteur nous y apporte son point de vue sur l’histoire, en tire explicitement une morale et nous en apprend parfois un peu plus sur ses sources.
Un conseil : laissez-vous tenter par La force des humbles, que vous soyez un fan de la période samouraï, un lecteur curieux et désireux d’approfondir un peu le genre Gekiga… ou tout simplement un amateur de belles histoires !
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