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Les Bienveillantes Littell uneLittérature

Les Bienveillantes – Jonathan Littell

9 février, 2017

Les Bienveillantes Littell

En 2006, Jonathan Littell, auteur inconnu de 39 ans, publie Les Bienveillantes, roman et livre-somme sur l’effondrement du IIIe Reich. Cette œuvre lui vaut le prix Goncourt… suite à quoi Littell retombe peu ou prou dans l’oubli. Mais pas son récit, brut, sombre et magistral, qui a frappé les imaginations et reste une référence du genre.

La puissance de l’œuvre repose en grande partie sur le point de vue adopté. En effet, l’histoire est narrée sans détour ni contrition par un officier SS : Maximilien Aue. Pour rendre crédibles les mémoires de ce personnage fictif, Littell a recueilli et synthétisé une documentation monumentale. Mais ce n’est pas tout. L’approche de l’auteur fait penser à celle de Yourcenar dans ses Mémoires d’Hadrien : il « habite » son héros, ou est habité par lui ; l’écriture est sensorielle et le style unique ; on lit une voix, unique, puissante, authentique.

Mais ne passons pas sous silence les défauts du livre. Le sujet, tout d’abord, est racoleur. La seconde guerre mondiale, les nazis, les massacres, ça fait vendre. Les tueurs, les psychopathes, aussi. Alors un livre qui prend pour héros un officier SS durant toute la période de la Shoah, passez moi l’expression, on frise le putassier…

Pourtant, en la matière, toute bêtise ou vulgarité est évitée. Maximilien Aue n’est pas un monstre… Contrairement à certains de ses collègues, il intellectualise énormément son antisémitisme et son engagement ; sa façon de penser, sa vision du monde, ont une logique interne ; on découvre, entre les lignes, les processus d’embrigadement et de cloisonnement, la force irrésistible de l’histoire et de la fatalité, l’impossibilité presque totale du retour en arrière ; on en vient à comprendre la position du narrateur (par cet aspect surtout, le livre est confondant et profond). C’est là une autre grande qualité des Bienveillantes : l’oeuvre ne diabolise pas, ne juge pas, elle observe, dissèque, et parvient à faire ressentir au lecteur une profonde empathie pour ce narrateur a priori indéfendable. On est à mille lieues des clichés et du manichéisme…

En revanche, le name-dropping, à mon sens, nuit à la crédibilité de l’ensemble. Si le vocabulaire militaire et historique sont très bien exploités, j’ai observé avec des sentiments mêlés le défilé des « stars du nazisme » dans le livre. Était-il vraiment nécessaire et réaliste de faire rencontrer à un simple officier, qui ne dépassera pas le grade de lieutenant-colonel, autant de dirigeants politiques ou militaires célèbres (Eichmann, Speer, Himmler… et le Fürer himself, pour ne citer qu’eux), avant de le faire sombrer si facilement dans l’oubli ?

On est vite blasé de ces apparitions, que l’on se surprend au bout d’un temps à guetter en dépit de leur manque d’intérêt, comme les caméos de Stan Lee dans les films du Marvel Cinematic Universe. Signalons tout de même qu’Eichmann a droit à un développement digne de ce nom, qui fournit sur l’homme un éclairage nouveau et pertinent, malgré son caractère fictionnel.

Enfin, le défaut majeur des Bienveillantes est aussi sa grande qualité : son narrateur. Si Maximilien Aue est plus vrai que nature dans ses rôles variés de témoin, de victime et de bourreau au sein de la vaste organisation qu’est la SS, et plus largement au sein de l’Europe en guerre, sa vie privée, elle, finit par prendre des tours trop complexes pour rester crédible et cohérence. Littell a peut-être souhaité livrer là un reflet, à l’échelle individuelle, du destin collectif de l’Allemagne à ce moment précis de son histoire : un récit tortueux, pétri de violence et de tabous brisés, qui échappe peu à peu au contrôle du héros. Seulement, pour ce qui est de la vie personnelle d’Aue, j’en suis venu à me demander si l’auteur n’avait pas, lui aussi, perdu toute maîtrise…

Mais ce travers n’est pas assez fort pour me faire regretter la lecture de ce pavé : sans être incontournable, elle se révèle particulièrement frappante et édifiante.

by Malfont 
3 commentaires

A propos de Malfont

Ce sont des choses qui arrivent : on passe la trentaine, on s’entoure de montagnes, d’amis, d’un chat et d’une petite femme. Je m’étais pourtant juré de ne pas m’y laisser prendre, mais c’est tellement bon que je n’ai pas pu résister. Et comme je n’ai jamais su envisager la vie simplement, il faut en plus que j’occupe le temps qui reste, en jouant (les rôlistes finiront par dominer le monde), en lisant (de la blanche, du classique, de la fantasy)... et en écrivant.

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Commentaires

  1. Corentine a écrit: 11 février, 2017 à 12 h 39 min

    Ce livre fait partie de mes prochaines lectures, ton avis me confirme que j’ai bien fait de l’acheter ! J’ai hâte de m’y plonger.

    Répondre
    • Malfont a écrit: 11 février, 2017 à 13 h 37 min

      Bonjour Corentine et merci pour ton retour ! J’espère que ce livre te plaira au moins autant qu’à moi :)

      Répondre
  2. Popcorn & Gibberish a écrit: 15 février, 2017 à 16 h 51 min

    Je ne le connaissais pas, mais je me le note ! :)
    Merci de la découverte !

    Répondre

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