Selpan, album jeunesse de Guillemine Patin et Étienne Friess, est ce que l’on pourrait communément appeler un OVNI. Déjà, prenons la couverture : deux gamins sales, juchés au sommet d’un tas d’ordures. Ce n’est pas commun, non ? Ensuite, il y a ce titre mystérieux, Selpan, que l’on ne comprend pas tout de suite. Il est affublé d’un sous-titre – Songe d’un après-midi d’été – qui, bien évidemment, ne manque pas de nous rappeler l’oeuvre de Shakespeare. Récapitulons : un titre de Shakespeare associé à une montagne de poubelles… Ça fleure bon l’audace et l’originalité ! Le plus fort, le plus fou, c’est que de ce tas de déchets, par la force de l’imagination, vont naître de la poésie, de la beauté, du rêve. C’est aussi déstabilisant que brillant.
Naples, plein été. Le cagnard haut dans le ciel, torride. Naples, sa pollution, ses monceaux de déchets, ses odeurs fortes, qui prennent à la gorge. Naples et sa touffeur. “C’est comme si on se mettait la tête dans le Vésuve, ça brûle et ça endort”. Du haut de leur tas de poubelles, deux garçons s’ennuient ferme. Pour passer le temps, ils inventent un jeu, “qui qui vit où” : chacun leur tour, ils piochent un déchet dans un sac et imaginent une histoire à partir de ce qu’ils trouvent. Une histoire pour échapper à la torpeur. Pour s’évader, rêver, et surtout… pour respirer, dans un monde où ça ne pue pas. C’est ainsi que naît Selpan, leur forêt imaginaire…
Selpan est une fable écologique qui sort des sentiers battus. Pour éveiller la conscience environnementale des jeunes lecteurs, elle les plonge dans une atmosphère viciée. Et les auteurs ne prennent pas de gants : leur interprétation de Naples en été est tout bonnement répugnante. Ainsi, l’échappée imaginaire dans un environnement sain et naturel n’en est que plus délicieuse et salvatrice ! Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin et la réalité les rattrape toujours : elle les ramène à leurs déchets, à leur ennui.
“Je regarde la marée de sacs-poubelle, et je me dis que si c’était des arbres, ça serait beau, Naples.”
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