Il y a des lectures qui surviennent à des moments particuliers et qui font parfois douloureusement écho à notre vie. C’est le cas de Satan était un ange de Karine Giébel. Une lecture rendue intolérable par un des sujets qu’elle aborde. Un sujet tu dans le résumé du roman, mais très vite apparent dans le récit. Un sujet sensible, douloureux et tristement universel… Satan était un ange m’a touchée d’une façon très personnelle, très intime.
François – la cinquantaine, mariage réussi, carrière réussie, vie réussie – est lancé à vive allure sur l’autoroute, dans sa BMW flambante. Il roule, il avance, il trace, droit devant. Sans un regard en arrière. Destination inconnue. Une fuite éperdue vers l’avant, pour tenter d’échapper à son assassin et à la mort certaine qui l’attend s’il ralentit. François, obsédé par le tic-tic dans sa tête, le compte à rebours qui menace ses jours. Par son meurtrier, implacable, qui le rattrapera où qu’il aille…
A la sortie de Lyon, tandis qu’il descend vers le Sud, il ramasse un jeune auto-stoppeur. Paul – dix-neuf ans, sac à dos, queue-de-cheval – jette des regards angoissés derrière lui. Paul, pourchassé lui aussi, lancé dans une course d’un autre genre. Paul, ses secrets, ses mensonges et la mort qu’il sème derrière lui.
Dans la BMW, il y François, il y a Paul. Deux mondes opposés. Il y a leurs angoisses, leurs remords, leurs incertitudes. Il y a une détermination, une même envie de vivre. Il y a cette rencontre inattendue, houleuse, mais rédemptrice.
Satan était un ange se nourrit de la souffrance et des failles de ses personnages – ces deux hommes, contraints de s’accrocher l’un à l’autre pour ne pas se noyer. De leur envie de se racheter. Si on aime les mystères qui habitent ce roman, on apprécie surtout la relation improbable qui se noue entre ces deux fugitifs écorchés par la vie. Méfiance, agacement, contrariété finissent par s’effacer au profit de l’amitié, de la complicité. Inespérées. Le lecteur se laisse attendrir par ce duo insolite.
La prose vive et saccadée de Karine Giébel offre une immersion complète. Aucune description pour alourdir le récit, le lecteur se contente de scènes visuelles, dynamiques et rythmées pour vivre l’aventure auprès de nos compères. On voit tout, on entend tout, on subit tout. Ça bouge, ça remue, ça décoiffe. Embarqué dans ce road trip haletant, on vit ce roman à 200 à l’heure.
En définitive, ce n’est pas la mort qui enchaîne. C’est la vie.
Avec toutes ses contraintes absurdes, ces choses que l’on s’impose à soi-même ; ces barrières que l’on érige patiemment autour de soi. Par obligation, par peur, bêtise ou convenance. Par habitude ou par pudeur.
On participe à construire sa prison, dorée ou pas, barreau après barreau. Et même si on dispose des clefs, rester à l’intérieur pour y périr lentement.
– Une femme, c’est délicat, c’est précieux. Ce n’est ni un jouet, ni une chose. Tu comprends, ça ?
– Oui mais… je l’ai pas frappée !
– Manquerait plus que ça ! S’écrie Davin. Si je t’avais vu la cogner, je t’aurais passé par la fenêtre ! Une femme, il faut la respecter. Toujours. Si tu n’y arrives pas autrement, c’est que tu as un sérieux problème, mon garçon.
Paul détourne son regard.
– Je sais pas… être tendre, confesse-t-il enfin.
Vous pouvez également découvrir d’autres romans de Karine Giébel : Purgatoire des innocents, Meurtres pour rédemption, De force, Jusqu’à ce que le mort nous unisse, Juste une ombre et Maîtres du jeu.
J’ai vraiment hâte de le commencer :)
Ta critique est vraiment poignante !
J’aime beaucoup les livres de Karine Giebel, qui soit dit en passant prends le temps de répondre aux mails que je lui ai fait parvenir ;-).
Je n’ai pas encore eu l’occasion de lire celui-ci – clin d’oeil au Père Noël en passant – mais ta chronique ne fait que me conforter dans l’idée que je m’en fait. Encore une fois tu nous gâte avec ton style!
Ta chronique est hypnotique !! J’aimerai vraiment le lire !!
Auteure découverte récemment avec « Juste une ombre », je n’en lis que du bien et ne m’arrêterai donc pas en si bon chemin. =)
Je te cite :
La prose vive et saccadée de Karine Giébel offre une immersion complète. Aucune description pour alourdir le récit, le lecteur se contente de scènes visuelles, dynamiques et rythmées pour vivre l’aventure auprès de nos compères. On voit tout, on entend tout, on subit tout. Ça bouge, ça remue, ça décoiffe. Embarqué dans ce road trip haletant, on vit ce roman à 200 à l’heure.
Réaction > MIAM. :D