Primer est un film de science-fiction sorti en 2004, écrit et réalisé par Shane Carruth. Il fit pas mal parler de lui à sa sortie, notamment parce qu’il remporta le Grand Prix du Jury au festival de Sundance, et ce malgré un budget extrêmement réduit (7000 $ seulement…) Indéniablement, il fait partie de ces œuvres qui marquent : je l’ai vu il y a 5 ans maintenant, et je m’en souviens comme si c’était hier. Autant de preuves, s’il en fallait, qu’il n’est nullement besoin d’une importante manne financière pour sortir un long-métrage digne de ce nom.
L’histoire commence assez simplement. Un groupe d’ingénieurs s’occupe d’une start-up sur leur temps libre ; l’un d’eux pousse un peu plus loin leurs expériences et finit par inventer… une machine à remonter le temps.
Seulement, on est loin ici d’H.G. Wells et de ses disciples. Il n’est pas question d’époques oubliées ou de futurs improbables… Les expériences portent sur quelques minutes, puis sur quelques jours. On suit ces premiers tests menés secrètement par deux amis de la bande : il ne s’agirait pas qu’on leur vole le projet… L’excitation et la curiosité scientifique prend le pas sur le reste.
Le petit milieu où évoluent ces rejetons blasés de la Silicon Valley est rendu avec minutie ; si une telle invention avait vu le jour dans les années 2000, nul doute que ça se serait passé plus ou moins comme cela. Irrésistiblement, on ressent de l’empathie pour les héros. On est traversé par la même fébrilité, les mêmes craintes et les mêmes espoirs ; une tension commune nous anime.
Malgré l’absence d’effets spéciaux, sans doute aussi grâce à elle, l’immersion est totale. Rarement un tel degré de réalisme aura été atteint dans une histoire de science fiction.
Le talent de Shane Carruth consiste justement à intégrer ces contraintes et à les transformer en forces créatrices. Il n’a pas de budget ? Alors il va écrire lui-même le scénario, sur un sujet et un milieu qu’il connaît bien (il est ingénieur de formation et maîtrise parfaitement les théories sur le voyage dans le temps). Il manque d’acteurs ? L’intrigue en nécessite donc très peu et il joue lui-même un des rôles principaux. L’équipe technique est réduite à peau de chagrin ? Alors Carruth gère ses plans fixes avec des prises de vue ingénieuses ; le reste est filmé la caméra à l’épaule – ce qui renforce encore l’immersion et le réalisme par un effet « reportage », sans rencontrer l’écueil du style « épileptique » et saccadé de productions à plus gros budget. Il n’y a pas de ressources pour les effets spéciaux ? Le scénario et la réalisation intègrent parfaitement cette difficulté… de façon originale : il ne s’agit pas de « cacher » la science futuriste, mais de la montrer telle qu’elle a de bonnes chances de se présenter : de manière non spectaculaire.
Enfin, parlons de ce qui a valu au film tant les faveurs de la critique que celles de ses aficionados : la complexité de la trame. Celle-ci va crescendo tout au long du film. Shane Carruth joue avec maestria sur les possibilités offertes par le concept du voyage dans le temps. Là encore, il aborde son sujet d’une façon terre-à-terre et pourtant très originale… qui laisse libre court à l’interprétation du spectateur. On trouve ainsi sur Internet de nombreux sites et vidéos qui tentent de « décoder » l’intrigue. C’est ici que réside le véritable tour de force de Primer : à l’instar d’un David Lynch, Carruth parvient, en plaçant des clés et des zones d’ombres aux bons endroits, à jouer avec le spectateur et à le faire participer activement à son œuvre.
Ainsi, Primer est une œuvre envoûtante, magique même, qui brille par une économie de moyens… et une débauche d’intelligence.
Je ne le connaissais pas, mais je me le note ! Merci de la découverte.
Yep,avec plaisir ! ce film vaut largement le détour… n’hésitez pas à me faire part de vos avis après visionnage dans les commentaires :)