C’est toujours un peu intimidant de prendre la plume pour écrire au sujet d’une oeuvre que l’on a beaucoup aimé. C’est intimidant parce que l’on a envie de trouver les mots justes pour transmettre notre enthousiasme, les mots qui sauront vous toucher, mais on doute d’y parvenir. Le Port des Marins Perdus, de Teresa Radice et Stefano Turconi, paru aux éditions Glénat, est un roman graphique ambitieux, un récit fleuve captivant porté par un style graphique somptueux. Le Port des Marins Perdus vous offre trois cents pages qui allient avec brio aventures en mer, mystères, émotions et réflexions existentielles.
Tout cela transparaît avant même que vous ayez eu le temps d’ouvrir l’ouvrage. Sa couverture, de toute beauté, résume à elle seule les principales forces de cette oeuvre : la poésie et la magie de la mer. La fascination et l’attraction qu’elle exerce sur l’Homme. Et puis, face à cette immensité, il y a cette femme à la chevelure flamboyante, portée par le vent : qu’attend-elle ? Qu’espère-t-elle ?

Le Port des Marins Perdus est une oeuvre colossale, qui a nécessité deux années de travail. Cet opéra graphique en quatre actes est parsemé de vers de poètes anglais et il nous plonge dans l’Angleterre du XIXème siècle. Entre terre et mer, le lecteur fait la connaissance du jeune Abel, secouru par le HMS Explorer au large de l’Inde, suite au naufrage de son navire. Cette même nuit, le capitaine de l’Explorer a mystérieusement disparu : il est soupçonné de s’être enfui avec le butin du navire que son équipage venait de capturer. Le capitaine Stevenson, homme respecté et respectable, est alors accusé de traîtrise… et déshonoré.
Suite à une mission couronnée de succès, le HMS Explorer retourne en Angleterre, sa patrie d’origine, et jette l’ancre à Plymouth. Le petit Abel, amnésique depuis le naufrage, pose le pied à terre et est recueilli par les filles du capitaine Stevenson, dévastées par la disparition de leur père. C’est ici qu’il fera la connaissance de Rebecca, la tenancière du bordel de la ville. C’est ici que le lecteur découvrira la douceur et la mélancolie de cette femme magnifique, figure mystérieuse du Port des Marins Perdus. Rebecca, à la fois si proche et si lointaine… Rebecca, le phare dans la nuit… elle aidera Abel dans sa quête d’identité, elle le guidera sur le chemin de la connaissance… des autres et de lui-même.

Difficile de livrer un condensé de ce récit, tant il est riche et dense. Il est vain d’essayer de faire tenir l’essentiel en quelques phrases. L’essentiel se glisse dans chaque parole, dans chaque regard, dans chaque geste, dans chaque paysage – marin ou terrestre. L’émotion est toujours là, à fleur de peau : sur un navire en proie à une tempête violente et impitoyable, ou dans l’intimité et la douceur d’une chambre. Dans Le Port des Marins Perdus, il y a de la souffrance, de la solitude, de la peur… Il y a de la tendresse, de l’amour, de la loyauté… de la frustration et de la colère. De la joie, de l’espièglerie. Il y a le vide et la plénitude. Il y a des âmes égarées, qui se cherchent, se croisent, se trouvent.
Ce récit foisonnant est sublimé par le talent de Stefano Turconi. Toutes les illustrations sont simplement crayonnées, sans couleur. Mais les traits – fins, légers et précis – retranscrivent les émotions des personnages avec une force inouïe. Les regards de Rebecca, lointains, mélancoliques, hantés par les fantômes du passé, sont inoubliables. Le sourire rayonnant et espiègle de la cadette des sœurs Stevenson instille un peu d’insouciance au récit. Et la bonté, la générosité inscrites sur les traits du visage de l’amant de Rebecca le rendent si attendrissant… Stefano Turconi insuffle la vie à ses personnages et nous les rend profondément humains.
Le Port des Marins Perdus est un récit magistral, vibrant. Un cadeau idéal, pour vous et pour vos proches. A offrir sans compter et à dévorer sans modération.

quelle belle découverte, les dessins sont superbes!
Je suis convaincue !
Wow ! Je vais l’ajouter à ma wishlist de ce pas ^^