Auteur et scientifique danois du XIXe siècle, Jens Peter Jacobsen fut surtout, de son vivant, célèbre en tant que botaniste. Il écrivit pourtant plusieurs œuvres littéraires, publiées pour la plupart avant sa mort, mais dont l’importance et les qualités ne furent pas immédiatement comprises. C’est le cas notamment pour Niels Lyhne, considéré aujourd’hui comme un classique de la littérature scandinave.
Ce roman d’apprentissage, sous-titré Entre la vie et le rêve, raconte l’itinéraire d’un jeune homme sensible issu de la bourgeoisie danoise. Niels Lyhne a le tempérament d’un poète ; dès son plus jeune âge, il est éveillé à la beauté des lettres par sa mère. Ses jeux d’enfant consistent à narrer des histoires et à rêver d’autres vies que la sienne ; cela en soi n’est pas extraordinaire pour un garçon de son âge, mais il s’y adonne avec un rare élan créateur… Les années passent et il s’avère peu à peu que Niels voit sa vie à travers un voile ; entre amours platoniques et discussions théoriques, son existence est nimbée de fantasmes ; il passe plus de temps à rêver qu’à vivre. Même pour ce qui est de la poésie et malgré ses excellentes dispositions, il ne parvient pas à produire une œuvre satisfaisante. Car Niels est profondément idéaliste ; ses visions perdent toute consistance quand il les trace sur le papier ; puis, s’il se délecte de la beauté des vers, il manque de patience et d’application ; il cajole ses pensées artistiques, mais les douleurs de l’enfantement lui répugnent.
Niels Lyhne fait penser sur bien des points à L’éducation sentimentale. Il est possible en effet que le roman de Flaubert ait inspiré Jacobsen. Dans ses rapports au monde, à l’amitié et à l’amour, son héros évoque fortement Frédéric Moreau. Mais le traitement du sujet par le Danois se démarque de celui du Français. D’abord, l’ironie est moins marquée. Niels Lyhne incarne un type de caractère authentique : on peut reconnaître en lui des traits qui nous définissent ou qui se manifestent chez nos parents ou amis. Qui ne connaît pas un de ces rêveurs qui se prétendent artistes et ne parviennent à rien produire de notable ? Qui n’a pas au moins une fois tenté de se réfugier dans le songe pour mieux fuir la réalité ? De sensibilité à la fois scientifique et littéraire, Jacobsen se propose d’étudier son archétype avec la distance qui correspond le mieux à sa double nature. Pas trop près, car le héros est trop empêtré dans ses dysfonctionnements et les comprend mal, ni trop loin, puisqu’il faut pouvoir ressentir de l’empathie à son égard.
À l’instar de cette approche, tout le roman bénéficie d’une approche funambulesque, entre froideur et sensibilité. Le style de Jacobsen peut paraître simple au premier abord ; il est, en réalité, sobrement ciselé. Le soin appliqué au style et à la structure narrative pousse Niels Lyhne vers la perfection formelle. On ne peut être qu’admiratif devant une telle plume. Elle n’a d’ailleurs pas vieilli du tout : on lit ce roman d’une traite, mieux qu’un grand nombre de fadaises contemporaines…
Je ne connaissais pas du tout ce roman et je note le titre avec plaisir^^ ! Merci :)
Hello ! Merci pour ton commentaire :) J’espère que le livre te plaira !
Un roman que je ne connaissais pas mais que j’aimerais maintenant lire :) Merci beaucoup pour cette découverte, je note le titre !
Bonjour ! Oui, c’est une vraie découverte, j’en avais entendu parler un peu par hasard et c’est un vrai plaisir d’avoir partagé cette belle lecture ! N’hésite pas à me dire ce que tu en as pensé et/ou envoyer le lien de ta chronique quand tu l’auras faite :)