Le piano est un instrument majestueux, intimidant et envoûtant. Un instrument qui peut éveiller des passions fortes et permettre de se dépasser. Un instrument qui vous possède tout entier. Qui vous émeut, vous détend, vous extrait du monde. Lorsque vous jouez, il n’y a plus que lui et vous. Le piano et le pianiste. Dans un tête-à-tête passionné. Pour ceux qui se laissent toucher et émerveiller par la puissance, par l’intensité de cet instrument, le sentiment de plénitude est absolu. Nombreux l’ont éprouvé, nombreux l’ont compris. C’est pourquoi le piano tient une place importante dans le paysage de la littérature. Infiniment poétique et exaltante, la pratique de cet instrument ne cesse d’inspirer les artistes…
Je vous propose de découvrir quatre titres dans lesquels le piano tient une place centrale et aide les personnages à se dépasser. Quatre titres à destination d’un public très différent, car il n’y a aucune condition pour apprécier la musique. Bien que les œuvres soient très différentes les unes des autres, vous verrez qu’on y trouve certaines similitudes.
Piano, instrument de la joie
Commençons par… un album pour enfants – il n’y a pas d’âge pour commencer à jouer du piano, Mozart l’a prouvé, en révélant des dons à 3 ans. La lecture est une belle occasion de sensibiliser les plus jeunes. Les histoires que leurs parents leur lisent les font rêver, et, lorsqu’elles sont accompagnées de belles illustrations, leur permettent de s’évader, de vibrer…
Avec L’ours qui jouait du piano, David Litchfield crée un univers féerique, enchanteur, au cœur duquel la musique trouve sa place. Une forêt. Un ours. Et, dans une clairière, un piano. Le hasard conduit notre ours jusqu’au piano et éveille ainsi une véritable vocation. Le temps et la musique finissent par faire naître des rêves dans le cœur de l’ours. Le piano a élargi son horizon, alors son univers lui semble de plus en plus étroit et il aspire à découvrir le monde. Le piano lui a apporté confiance et assurance. Le piano a instillé joie et poésie dans sa vie.
L’ours qui jouait du piano est une sublime illustration de tous les bienfaits que peut apporter la pratique d’un instrument de musique. Une activité qui peut être aussi solitaire que fédératrice. Une activité qui favorise l’introspection, mais qui permet aussi de s’ouvrir aux autres et de partager un moment magique…
Piano, instrument de l’espoir
Le titre suivant s’adresse à un public qui a déjà bien grandi… Les enfants de Willesden Lane, de Mona Golabek, s’adresse à des adolescents, à de jeunes adultes. Il retrace l’histoire vraie de Lisa Jura, une jeune Juive autrichienne et pianiste prometteuse réfugiée dans un foyer à Londres durant la Seconde Guerre Mondiale. Le piano, ici, est une activité salvatrice, un exutoire. Un moyen de lutter contre la noirceur d’une époque douloureuse. Les notes libérées par Lisa sont comme des étoiles qui guident les réfugiés dans la nuit, les apaisent, déposent des sourires sur leurs visages tristes et glissent une lueur dans leurs regards assombris. Le piano, ici, représente l’Espoir. Une promesse d’avenir – qui, en cette période de guerre, semble bouché… alors pour survivre, pour vivre, Lisa Jura s’y consacrera corps et âme…
Piano, instrument de la performance
J’ai beaucoup aimé les réflexions sur la musique proposées par le titre suivant. Your lie in april, une série de mangas créée par Naoshi Arakawa, parvient, fort heureusement, à dépasser la niaiserie apparente de ses couvertures. Un garçon, une fille, du bleu, du rose, des expressions un peu crétines sur leurs visages… Si tout cela ne vous inspire que moyennement, essayez tout de même de découvrir les deux ou trois premiers tomes de la série. C’est en fait bien plus mature et lucide qu’il n’y paraît.
On découvre deux visions très différentes de la musique. Deux façons radicales de l’appréhender. Kôsei est un véritable pianiste virtuose. Avec une mécanique parfaite et une rigueur irréprochable, il parvient à restituer les partitions des plus grands compositeurs sans la moindre erreur ni hésitation. Kaori est une jeune violoniste enthousiaste, passionnée et impulsive. Elle respire la liberté et laisse l’improvisation guider ses doigts lorsqu’elle joue. Ainsi, elle livre des interprétations personnelles et pleines d’émotions.
Prouesse technique ? Émotions ? D’après vous, quel est l’ingrédient essentiel pour un morceau réussi ? Kôsei et Kaori n’apportent pas la même réponse à cette question, et la confrontation de leurs visions crée un récit touchant et fascinant.
Piano, instrument du bonheur
Pour le dernier titre, nous nous adressons cette fois à des adultes. Bien sûr, des adolescents peuvent s’aventurer à le découvrir, mais il est plus ardu à appréhender que les ouvrages précédents. Corps et âme de Frank Conroy est une oeuvre dense et magnifique. On y rencontre Claude Rawlings, un enfant pauvre, chétif, solitaire et sans avenir, qui vit dans la misère avec sa mère. Dans leur tanière se trouve un petit piano désaccordé, sur lequel Claude commence à jouer… c’est la naissance d’une vocation, la révélation d’un prodige de la musique. Grâce à son don pour le piano, il parviendra à s’élever au-dessus de sa condition et s’épanouira dans une brillante carrière de musicien.
Dans ce récit, le piano et la musique ont l’extraordinaire pouvoir de tirer un petit garçon de la misère. De le soustraire à sa condition et de l’élever… Dans ce roman, il est question du dépassement de soi – par le talent, par le travail, par l’acharnement. Claude ne lâche rien, jamais, et c’est cette obstination, doublée de son don inné, qui lui permettra d’être reconnu pour son art et de toucher au bonheur…
« Le fait que, arrivé à un certain point, on peut en quelque sorte oublier ses mains. Cela devient pour ainsi dire mental. On entre dans une sorte de transe de concentration, on imagine à quoi le son va ressembler, on le sent dans sa tête, et inexplicablement, c’est exactement ce qui arrive. C’est presque magique. C’est si bon, parfois, que c’en est presque insoutenable. Je veux dire, on joue, on sent une résistance, on pousse de plus en plus fort… et soudain on débouche en pleine lumière, juste comme ça… On passe de l’autre côté du mur ! Il n’y a plus de résistance, on navigue… De la pensée pure, qui se transforme en musique pure. Il faut s’entraîner à garder sa concentration, sinon on peut être si heureux qu’on risque de passer de l’autre côté. C’est fou. »
© Frank Conroy – Corps et âme
Corps et âme, c’est un des plus beaux livres que j’ai lu, alors que je ne suis même pas mélomane. Mais là, j’ai eu l’impression de toucher du doigt la musique, de passer le fameux mur. On l’a offert au moins 10 fois ! Et toujours il a autant plu.
je note Corps et âme que je ne connaissais pas (l’auteur oui!) Quel beau billet !!!