Trouver, sur une quatrième de couverture, les noms de Pessoa et Bolaño. Être immédiatement touché par ces deux magnifiques références littéraires. Se dire que ce livre – Les vies de papier de Rabih Alameddine, aux éditions Les Escales – nous est destiné. Qu’il est un clin d’oeil à notre passé de lecteur.
Ouvrir les premières pages, et découvrir Aaliya – quel doux prénom – cette dame âgée libanaise aux cheveux bleus. Cette femme indomptable, « l’élevée ». Cette femme étrange, solitaire, anticonformiste, qui, à chaque premier de l’an, se lance dans la traduction d’une nouvelle oeuvre. Une traduction de traduction, qui échouera invariablement avec toutes les autres, dans la chambre de bonne, rangée dans un carton. Car Aaliya traduit pour le plaisir. Qui s’intéresserait à la traduction d’une traduction d’une oeuvre originale ? Alors, ses projets colossaux sont enfermés et entassés. Chéris d’elle seule…
Entrer, à pas feutrés, dans l’univers d’Aaliya, pénétrer dans son sanctuaire. En être ému, car peu sont autorisés à le faire – surtout pas ses voisines, alias les sorcières, ni sa famille, indésirable depuis si longtemps. S’asseoir confortablement, une tasse de thé chaud entre les mains, et écouter son récit, recueillir son long monologue – livré avec beaucoup de pudeur et de retenue. Les vies de papier est une invitation : à découvrir l’âme de cette femme singulière, à explorer ses souvenirs, à suivre ses interrogations et ses pérégrinations littéraires… Aussi une invitation à découvrir Beyrouth “de l’intérieur” – Beyrouth en souffrance, Beyrouth dévastée – à travers le regard d‘une femme qui a vécu sous les bombes.
Les vies de papier est un livre dense, tant dans sa forme – aucun chapitre, de longs paragraphes, peu de sauts de ligne – que dans son contenu. Saturé de références littéraires, bourré de digressions et parsemé d’allers-retours dans le passé, il exige beaucoup d’attention et n’offre aucune respiration au lecteur. Tout s’enchaîne, sans pause, on est entraîné dans le tourbillon de pensées d’Aaliya, à nous de nous accrocher pour suivre, car elle ne nous attend pas…
Les vies de papier n’est pas une lecture fluide et facile. Parfois laborieuse, mais souvent belle. Il s’agit indéniablement d’une lecture inspirante et inspirée. D’un formidable voyage littéraire.
Très envie de faire cette découverte !
Très bel article. J’ai lu ce roman mais l’ai un peu moins apprécié que toi car j’ai trouvé Aaliya trop seule pour m’attacher complètement à elle.