Je vais chroniquer ce roman en débutant d’une façon peu conventionnelle : je dois avant toute chose présenter des excuses à l’auteur. Il y a déjà de nombreux mois que Paul Clément a eu la gentillesse de me faire parvenir son ouvrage pour que je puisse m’en faire une idée. Or, les journées ont une fâcheuse tendance à ne durer que 24h et la rareté de mes chroniques sur ce site vous montre en partie à quel point il m’a été difficile de mener mes lectures à leur terme ces derniers mois.
Et pourtant ! Je puis assurer que ma lecture de Les Décharnés, aussi étalée qu’elle fut dans le temps m’a fait croquer les chapitres par grappes entières. Il semblerait que l’on m’ait plus ou moins associé aux chroniques de romans de zombies et ma foi, c’est un statut que j’accepte avec plaisir, bien que je ne souhaite pas m’y cantonner.
Oui, c’est une fois encore de zombies qu’il s’agit. Des créatures de la terre ; et même du terroir dans le cas qui nous occupe, car les morts-vivants ont envahi la Provence. Patrick, agriculteur retraité, vieux loup de terre abîmé par le soleil et par la vie aurait pu siroter sa bière dans la quiétude… pourtant sur l’autoroute qui regarde sa maison ancestrale, les automobilistes commencent un ballet meurtrier, frappés de folie et devenus avides de chair et de sang.
Tel pourrait être en quelques mots l’incipit du roman de Paul Clément. Ce récit a plusieurs veines… je serai même tenté de dire : plusieurs jugulaires dans lesquelles vont palpiter le suspens. Dans un premier temps, c’est l’histoire d’un siège. D’une survie en huis clos. Si l’on peut croire à un personnage d’anti-héros, la narration nous démontre vite que les notions de Bien ou de Mal ne sont plus tellement manichéennes lorsqu’il faut prendre la responsabilité de la petite Emma, fauchée dans son enfance par l’apocalypse zombie. De la survie va naître le dialogue entre ce vieil homme à l’écorce dure et cette petite qui s’éveille dans un perpétuel cauchemar. Petit à petit, ils vont apprendre à se parler pour avoir une chance de continuer à valser dans cette folie. Commence alors une Odyssée au travers des campagnes, qui les mènera à se comprendre eux-mêmes au gré de rencontres qui nous rappellent souvent que les êtres les plus démoniaques ne sont pas toujours les zombies.
Le parcours de Patrick, qui va trouver son humanité dans la protection d’Emma, promesse d’avenir fragile, est sincèrement touchant. La narration nous prête le regard du vieil homme et prend un véritable soin de nous décrire avec justesse et souvent sans concession les choix et les doutes d’un homme qui avant de survivre, essayait tout simplement de vivre.
De plus, le personnage d’Emma est de ceux auxquels on s’attache : elle est de ces enfants qui trouvent de l’espoir dans un sourire. Et d’une certaine façon, on verra qu’elle va ré-apprendre à sourire à son sauveur bougon mais protecteur.
Les décharnés reprend les thèmes « classiques » du genre : survie, état de siège, fléau, interactions avec d’autres survivants…
Toutefois Paul Clément sait nous transmettre sa passion – car je le crois passionné. Je l’ai dit, une fois franchie la porte de Patrick on éprouve le désir de le suivre avec Emma sur le chemin. Je pense que les gens qui n’apprécient guère la littérature des zombies auront peut-être du mal à se faire plaisir, puisque ce ne sont pas les effusions de chair qui manquent. Pourtant, Les Décharnés me semble être une belle histoire d’amitié et une réflexion convaincante sur cette « lueur au crépuscule » qui pourrait bien être ce que l’on appelle « être humain ».
Je ne suis pas spécialement lectrice de ce genre de récit mais comme je bosse avec des ados je suis toujours à la recherche de titres qui pourraient les amener plus vers les livres. Je note car je leur prépare une sélection dans ce domaine.
Un grand merci à Clément pour cette belle critique et pour avoir aussi bien cerné le propos de mon roman. À bientôt !