Introduction au visual novel
Connaissez-vous le concept de « visual novel » ? Celui-ci est une sorte d’hybride entre la littérature et le jeu vidéo. Résumé simplement, il s’agit d’un roman interactif à lire sur ordinateur. Le texte défile devant vos yeux, et vous êtes parfois amené à faire des choix dans l’histoire qui vont changer le fil de celle-ci.
Le texte ne défile pas sur fond blanc, car des images sont présentes. Celles-ci représentent généralement le lieu de l’action et/ou les personnages en place. Et pour bien faire le tout, il y a même du son pour parfaire l’ambiance ! Musique et effets sonores pour créer une expérience littéraire atypique au possible. Alors que ce genre est extrêmement présent au Japon, il est méconnu voir totalement inconnu en France.
Ce qui est compréhensible, car après tout, c’est assez désagréable de lire sur ordinateur non ?
Oui mais attendez, il ne s’agit pas là de lire un article sur internet. Le visual novel est entièrement conçu pour faciliter la lecture et le plaisir de lecture.
Maintenant que vous voyez à peu près de quoi je parle, laissez-moi vous évoquer ma première expérience en visual novel, à savoir Le Sanglot des Cigales.
Je traîne régulièrement sur internet, à l’affût de nouvelles découvertes culturelles. S’il y a bien une chose qui me plaît par-dessus tout, c’est de découvrir un plaisir inattendu, dans un média que je ne connais pas, la surprise décuplant le plaisir.
Un jour que j’étais en train de fouiller dans les perles cachées du site Sens Critique, je tombais nez à nez avec Le Sanglot des Cigales, un visual novel qui semblait faire l’unanimité sur le site : moyenne de notes stratosphérique, et critiques unanimes. C’est dire si cela attirait mon attention. Et aussi ma curiosité, car malgré les critiques que je lisais, je n’arrivais pas à saisir comment on pouvait autant apprécier un roman à lire sur ordinateur.
Autant être honnête dès le départ : j’ai donc commencé cette œuvre pour les mauvaises raisons. L’attirance qui m’a poussé à le faire est semblable à de l’envie. Celle que possède quelqu’un lorsqu’il fréquente un groupe de personnes qui semblent connaître un secret, quelque chose de bien gardé, et qui fondent un club dont la seule règle d’entrée serait de connaître cette fameuse chose. Vous restez en arrière-plan à les regarder, eux qui semblent tellement surélevés par leur secret. Et donc vous êtes jaloux. Et vous voulez la même chose.
Non vraiment, je ne comprenais pas un tel intérêt pour une saga à lire sur ordinateur, avec des images en fond, et de la musique. (est-ce un jeu vidéo ou un roman d’ailleurs ?)
Je pense que j’ai eu cette impression par le côté extrêmement positif des critiques. Une accumulation d’adjectifs n’a que peu d’impact lorsque nous n’avons aucune expérience de ce genre de média. Vous avez certainement déjà lu des livres prenants qui vous faisaient ressentir des émotions que vous pensiez impossibles à retranscrire avec de simples mots ? Hé bien imaginez la surprise qui peut vous prendre lorsque la musique et les images s’ajoutent à cela.
Assez parlé de moi, il faut maintenant que je parle quand même de ce qui nous intéresse : l’œuvre en elle-même.
L’œuvre Le Sanglot des Cigales
Le Sanglot des Cigales, c’est d’abord un scénario en apparence simple. Vous suivez les péripéties de Keiichi Maebara, adolescent de quinze ans, fraîchement débarqué dans la campagne japonaise après un déménagement. Vous voilà désormais seul et sans amis, dans un village loin de tout.
Heureusement, Keiichi possède une qualité que n’ont pas tous les garçons de son âge : il est charismatique et sociable. À peine arrivé et le voilà déjà à nouer des relations avec les autres. Il va notamment rencontrer quatre filles : Mion, Rena, Satoko et Rika, âgées de seize à dix ans. Avec elles il va petit à petit s’intégrer au village et va passer des jours heureux dans le village d’Hinamizawa, endroit idyllique par excellence.
Mais voilà. C’est assez facile à deviner désormais : le village n’est idyllique qu’en apparence uniquement. Hinamizawa cache un lourd secret. Tous les ans, au mois de Juin, se déroule une cérémonie religieuse propre au village. Cette fête locale est le plus grand moment de l’année, et rassemble tous les habitants des environs.
Pourtant, chaque année et à la même date, une personne est assassinée et une autre disparaît. Les circonstances ont beau être à chaque fois différentes, l’événement ne cesse de se répéter. Certains avancent qu’il s’agit d’une malédiction lancée sur les ennemis du village. D’autres qu’il s’agit d’un complot orchestré par des humains et déguisé en malédiction. Un dernier groupe pense enfin qu’il ne s’agit que de macabres coïncidences.
Keiichi va donc se retrouver mêlé à ces étranges histoires, ce qui changera définitivement sa vie…
Maintenant que le scénario est posé, il faut que je reprécise une chose : Le Sanglot des Cigales est divisé en huit tomes. Lire toute la saga vous prendra environ cent cinquante heures.
Vous avez bien lu, Le Sanglot est un véritable pavé littéraire. Et si le scénario semble bien simple en apparence, je n’exagère pas lorsque je dis que vous n’êtes pas au bout de vos surprises. L’œuvre est un véritable modèle en matière d’écriture de scénario. Les éléments de l’histoire sont distillés au compte-gouttes de manière régulière afin de tenir le lecteur en haleine. En plus de cela, l’auteur construit son intrigue de manière particulièrement ingénieuse : l’énigme à résoudre est extrêmement difficile tant les théories abondent et les faits irréfutables manquent. Chaque tome va apporter un point de vue différent sur l’histoire. Les personnages resteront les mêmes, mais les événements changeront. Il est difficile de développer plus sans spoiler des événements majeurs de l’histoire. Les tomes 1 à 4 posent l’énigme. Les tomes 5 à 8 apportent les réponses.
Pour l’expliquer autrement, partons d’une image facile : Le Sanglot des Cigales est un puzzle. Mais un gigantesque puzzle, avec des milliers de pièces. Votre tâche est évidemment de le reconstruire, mais voilà : vous n’avez aucune idée de l’image finale. Vous nagez dans un océan d’informations et de fragments d’images. Alors vous pouvez bien sûr construire votre propre image, mais au final, vous allez vous rendre compte que plein de pièces seront mal utilisées, ou inutilisées. Tout au long de ce jeu de construction, les fragments seront sans arrêt à défaire et à refaire dans un autre ordre pour trouver l’image finale.
Et ce n’est qu’en terminant le puzzle que vous pourrez vous rendre compte de l’incroyable talent qui a été mis pour créer cette énigme. Préparez-vous à voir toutes vos théories s’effondrer de manière régulière à cause de nouveaux éléments totalement incompatibles.
En plus d’avoir un scénario particulièrement retors, Le Sanglot des Cigales se complaît à nous plonger dans des ambiances uniques et surtout imprévisibles : vous suivez un moment les jeux d’un groupe d’enfants dans une ambiance niaise et ensoleillée, mais en une seconde tout peut changer et devenir cauchemardesque au possible.
Imprévisible, tel est le mot clé du Sanglot des Cigales. J’ai éclaté de rire à de nombreux moments. J’ai stressé comme pas possible en lisant le premier tome (qui est, je précise, le seul à être vraiment angoissant, mais c’est de l’angoisse psychologique, il n’y a aucune violence graphique). J’ai été profondément attristé par la vie et le destin de certains personnages. J’ai débordé de joie devant le caractère épique de certains moments. Le Sanglot des Cigales est d’une grande variété dans la gamme des émotions qu’il procure.
Lorsque je lisais des critiques portant sur la saga, avant de m’y mettre personnellement, j’étais toujours surpris par l’accent que mettaient les lecteurs sur le caractère prenant de l’histoire. En plus de son talent dans l’écriture du scénario, l’auteur met l’accent sur le développement des personnages. En cent cinquante heures, vous allez avoir le temps de découvrir les multiples facettes de chacun. On ne peut résumer une personne en une simple accumulation d’adjectifs, et tout dépend de l’angle que l’on prend. Ainsi, tel personnage adorable dans un tome peut devenir le pire des salauds dans un autre. Encore une fois, tout est imprévisible, et la surprise est permanente.
Petit bémol cependant : la saga a été concoctée quasiment par le travail d’un seul homme. Et si celui-ci est un véritable génie dans l’écriture, il ne l’est pas vraiment dans le dessin. Les personnages sont donc très mal dessinés, et leur apparence peut rebuter le lecteur. Ne vous inquiétez pas ! Il existe des patchs à installer pour changer leur apparence. Honnêtement je n’en vois pas l’intérêt : les défauts dans leurs dessins les rendent plus humains. On s’habitue très vite et leur aspect est plus agréable au bout de quelques instants, lorsque la personnalité attachante du personnage s’imprime sur son image. Personnellement je ne changerais leur design pour rien au monde.
Le Sanglot des Cigales est une œuvre qui demande un certain investissement personnel étant donné sa longueur. Celui qui tente l’expérience se verra récompensé par la découverte de plaisirs inconnus. Il faudra cependant passer quelques obstacles : les dessins comme je l’ai évoqué, mais aussi la différence culturelle propre au Japon. Certains peuvent être rebutés par les petits détails propres à la culture japonaise, mais rassurez-vous, ils ne sont pas envahissants. C’est ce qui fait le charme même de la saga. L’histoire peut parfois également paraître répétitive dans ses mécanismes, mais difficile en même temps de ne pas se répéter en cent cinquante heures…
Je ne peux pas développer plus sur l’œuvre. C’est au lecteur de se faire sa propre opinion et je ne veux pas gâcher la surprise. Concernant l’énigme en elle-même, libre à vous de vous laisser porter pendant votre lecture sans essayer de la résoudre. Pour ma part je n’ai pas cherché plus que ça. Je savais que cela allait me créer des attentes, une envie d’un dénouement éblouissant, et je savais que cela pourrait gâcher mon plaisir. D’ailleurs, je parlais de choix au départ dans mon introduction, je précise qu’ici, dans Le Sanglot des Cigales, il n’y a aucun choix à faire, juste à suivre l’histoire.
Finalement, je déblatère sur la saga mais j’ai l’impression que plus j’essaye de décrire la saga à des non-initiés, plus elle m’échappe. Elle me paraît trop difficile à imaginer lorsqu’on ne l’a pas lue. Étant donné que je ne connais aucun équivalent à celle-ci, que cela soit dans la littérature ou le jeu vidéo, je ne peux pas faire de comparaison parlante. Autant arrêter ici alors. J’espère que vous allez sauter le pas !
Vous pouvez télécharger gratuitement et légalement le premier tome en français si vous le souhaitez, sur le site de (l’excellent) traducteur de la saga hinamizawa.fr. Vous y trouverez d’autres informations sur l’œuvre au cas où vous auriez encore quelques questions.
Coucou !!! Bien sympa cet article sur les visual novel. Je connaissais le terme, mais je ne m’étais jamais penchée dessus. De ce que tu en dis, ça à l’air quand même super comme concept *.* Surtout si il y a des « choix » à faire parfois (j’adore les jeux telltales, si tu ne connais pas, ce sont des jeux vidéos où tu dois faire des « choix » et tu influences l’histoire d’une façon ou d’un autre).
En tout cas, vu que le 1er tome est gratuit, je vais le lire et me faire une idée (meme si dans celui là il n’y a pas de choix à faire).
Je viens de découvrir ton blog, je vais le parcourir encore un peu :3
Hello ! Merci pour ton commentaire. :)
Oui je connais et j’apprécie beaucoup les jeux Telltale. Le Sanglot des Cigales reste néanmoins une exception dans le monde des visual novel dans le sens qu’il n’y a aucun choix à faire tout au long des huit tomes. Ce choix scénaristique est néanmoins parfaitement compréhensible lorsqu’on connait le scénario. Pour l’instant je n’ai pas eu l’occasion de tester de visual novel avec des choix, j’espère le faire par la suite !
A noter que la plateforme de jeux vidéo Steam s’enrichit chaque jour de plus de visual novel. Néanmoins ils sont généralement en Anglais.