L’Art et la Révolte : de la littérature classique au slam engagé, Abd al Malik rencontre Albert Camus. Le rappeur le dit lui-même, il a trouvé en Albert Camus un grand frère, quelqu’un pour lui montrer la voie. Il est vrai que le destin des deux hommes offre de nombreuses similitudes : tous deux nés dans la cité, tous deux élevés par une mère seule, tous deux grandis par la culture, la lecture. Tous deux « placé[s] à mi-distance de la misère et du soleil ». L’hommage est beau, époustouflant, brillant.
Alors que le rideau est encore fermé, c’est d’abord la voix d’Albert Camus lui-même qui retentit. Un enregistrement audio de L’Envers et l’Endroit, une œuvre de jeunesse. Le rideau s’ouvre, Abd al Malik rentre en scène. Il est accompagné de Mattéo Falkone, c’est du rap à l’état pur, un rap sombre et puissant. Ce premier acte nous raconte la misère, la galère. Puis vient la rencontre : le slameur est alors accompagné de ses musiciens, il nous parle de l’autre, d’engagement. Pour le dernier acte, il n’y a plus que le piano, et la voix. Abd al Malik slame la lumière, l’espoir.
La performance scénique du jeune rappeur est magistrale, il semble habité, déchaîné : tiraillé entre la rage et la volonté. L’esthétique du spectacle est complète, on oscille entre la voix d’Albert Camus et celle d’Abd al Malik. Les musiques des trois actes sont très différentes, chacune illustrant à sa manière les propos de l’artiste, des artistes. D’une citation, le slameur crée une chanson, un hymne à la gloire de celui qu’il n’a jamais connu, mais qu’il a tant aimé. Derrière lui, derrière ses musiciens, un écran projette des photos, extraites de son propre film. On est alors totalement immergés dans cette pauvreté, cette misère qu’il nous dépeint si bien, si fervemment. Parfois, un danseur hip-hop vient illustrer de ses pas les paroles de l’interprète, les mots du poète.
Le rideau se ferme. Abd al Malik, seul, se tient debout, un papier à la main. C’est une lettre, une lettre qu’il a écrite pour celui qui lui a donné envie d’écrire. Abd al Malik rencontre Albert Camus. L’hommage est poignant, vibrant. Le spectacle, réussi. Cette Révolte, c’est du grand Art.
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