Jean-Baptiste Adamsberg est sur la sellette, son caractère nonchalant, ses intuitions sans queue ni tête et ses réflexions toutes aussi imagées, agacent en haut lieu. Le moindre faux pas pourrait bien lui coûter sa place. Et un faux pas, il en fait un lorsqu’il laisse s’échapper l’unique suspect dans une affaire impliquant l’une des plus grandes familles parisiennes. Échappant de justesse à l’enquête de l’IGS, il s’exile en Normandie, à Ordebec où une curieuse affaire mêlant légendes régionales et meurtres sordides l’attend. L’armée furieuse menée par le Seigneur Hellequin depuis le XIème siècle, désigne des « saisis », des hommes tués les uns après les autres, châtiés pour leurs crimes. Maintenant, reste à savoir si Adamsberg sera assez rapide pour empêcher la Mesnie de s’emparer des trois âmes désignées restantes.
S’il y a bien quelque chose que l’on ne peut enlever à Fred Vargas, c’est sa capacité à nous mener en bateau tout au long de ses écrits. A la manière de l’esprit de son personnage principal, L’armée furieuse représente un melting-pot d’idées et de pensées plus incongrues et farfelues les unes que les autres. Prenant appui sur des légendes régionales, Vargas construit sa trame principale sur des meurtres commis par une armée de morts-vivants qui s’attaque aux personnes ayant commis des actes répréhensibles dans la ville. Le meurtrier s’appuie sur les croyances des habitants pour semer le trouble et perpétuer des meurtres sadiques. Une quête sur fond de vengeance et de haine.
L’intrigue de L’armée furieuse est très bien ficelée et rythmée par de nombreux rebondissements, mêlant le déroulement de trois enquêtes menées de front, où des indices épars servent à alimenter la réflexion. Chaque fois que l’on imagine tenir une piste sur l’identité du tueur, Vargas fait peser le doute en incluant une nouvelle donnée qui change complètement la réflexion. Si l’on se perd parfois dans un amas de détails, on s’amuse toujours autant des dialogues absurdes, détails cocasses n’ayant parfois aucune cohérence. Pourtant, cela finit par faire sens, le dénouement nous fait comprendre que rien n’est jamais écrit au hasard, le moindre indice prend donc toute son importance.
Mais toute cette histoire ne serait rien sans son personnage principal, le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg. Un homme qui ne ressemble à aucun autre, qui réfléchit comme aucun autre. Il est unique, nonchalant, souvent prétentieux, un brin tendancieux. Des pensées qui défilent comme autant d’images qui mettent parfois du temps à faire sens et pourtant rares sont les choses qui échappent à ses yeux, à ses sens. Il ressent plus qu’il ne comprend. Il fait plus confiance à ses fameuses intuitions qu’à ce qu’il peut voir. Il dit même que la gestuelle et le regard lui apportent beaucoup plus que tous les mots et mensonges qui peuvent sortir de la bouche des personnes qu’il interroge. C’est un personnage qui a le mérite d’être complètement unique. Personne n’est comme le commissaire Adamsberg, et en un sens heureusement, parce que s’il fallait en avoir plusieurs comme lui, ça serait bien compliqué !
Les autres personnages tels que Danglard, Retencourt, Zerk et même la vieille Leo, pour qui on se plait à avoir de la compassion, sont aussi importants mais ils ne servent que de points d’ancrage au génie mal compris d’Adamsberg.
On ne peut décemment pas parler d’un Fred Vargas sans évoquer la plume de l’auteur. Maîtresse de son art, elle manie tous les subterfuges pour nous amener exactement là où elle le souhaite et préserver le suspense jusqu’au bout. Elle manie avec justesse et humour les dialogues poussés parfois à leur absurde paroxysme. Une élégance sans nom se dégage de ses textes menés par un génie créateur.
L’armée furieuse nous offre donc une balade champêtre entre enquêtes sanglantes et personnages hauts en couleur. On se plait à naviguer en eaux troubles, à chercher ardemment un coupable qui tarde à pointer le bout de son nez, sur fond de légendes régionales et de vengeance. Bien sûr, on apprend rapidement à ne pas se fier aux apparences et à laisser le commissaire faire, lentement mais sûrement, son travail. Si bien qu’il peut réussir, grâce à un morceau de sucre, à résoudre trois enquêtes plus étranges les unes que les autres.
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