La fille du froid, de Rupert Thomson aux éditions Denoël, dissimule derrière sa couverture magnifique une quête identitaire poétique, une réflexion métaphysique étrange et dépaysante, un récit lent et contemplatif. La fille du froid, c’est une jeune femme qui se cherche, une jeune femme à la poursuite de ses origines. C’est une course vers le froid. C’est un périple impulsif pour faire le deuil d’une mère trop aimée et attirer l’attention d’un père trop absent.
Kit est née deux fois. La première, lorsque son embryon a été conçu. La seconde, lorsqu’il a été implanté dans le ventre de sa mère huit ans plus tard, grâce à une fécondation in vitro. Entre sa conception et sa naissance, huit années de congélation à une température constante de moins 196 degrés Celsius. Si elle ne peut évidemment pas s’en souvenir, Kit conserve pourtant une impression diffuse de ces huit années passées seule, dans le froid, dans le noir, à attendre, au stade embryonnaire. A attendre que l’on veuille d’elle. De ces huit années, elle conserve ce sentiment d’abandon, qui lui colle à la peau. Ce besoin d’indépendance. Ce désir irrépressible de revenir aux sources : au froid. Suite au décès de sa mère, guidée par des signes, elle quitte l’Italie et entreprend un long voyage, qui la mènera toujours plus au nord… un aller sans retour ?
De Rome à Ugolgrad, Kit, en quête de sens, se laisse conduire par ce qu’elle interprète comme des messages. Une conversation entre deux étrangers, un billet de cinquante euros trouvé par terre, un morceau de papier oublié sur un coin de table avec un numéro de téléphone griffonné dessus, la brochure d’un hôtel français qui traîne dans une cabine d’essayage… Kit recherche du sens dans tout ce qui l’entoure. Elle suit son instinct, écoute son cœur, pour avancer, pour cheminer vers ses origines. Son périple à travers l’Europe est une succession de rencontres et d’événements – parfois improbables – à partir desquels elle construit du sens et tisse son parcours.
La fille du froid peut être considéré comme un récit initiatique. L’évolution de Kit est fascinante à observer. Sa fureur de vivre et son besoin de bouger trahissent un manque. Manque d’amour, manque d’attention, manque de repères – traces indélébiles laissées par son séjour à moins 196 degrés et, bien plus tard, par la perte de sa mère. Pour palier ces manques ? Mordre la vie et avancer, le plus loin possible. Foncer vers l’inconnu, en ne laissant que peu d’indices de son passage. Se laisser porter, au jour le jour, par son intuition. Mais, au fil des pages, son inconséquence, sa légèreté et son entêtement se muent en quelque chose de beaucoup plus profond. D’agaçante, elle devient touchante. Kit, la fille du froid, apprend à se connaître et découvre ce qui lui est essentiel…
Le hall de la gare sent le café fraîchement moulu et le lait bouillant. […] Des voix affluent et tournoient sous la haute voûte du toit, les bruits de pas résonnent en écho sur le marbre poli, puis une impression, soudaine et pourtant familière – l’impression que je ne suis pas là. Ce n’est pas que je suis morte. Je suis partie, c’est tout. Je n’ai jamais été. La panique bée comme un gouffre en moi, lente, furtive, comme une fleur qui ne s’ouvre que le soir. Les huit années sont encore en moi, huit années dans le noir, dans le froid. A attendre. Sans savoir.
Je n’avais pas du tout vu ce livre en librairie mais ton post donne vraiment envie. Je profite de ce commentaire pour exprimer à quel point ton blog est graphiquement très réussi et très agréable à lire :-)
Merci beaucoup pour ce gentil commentaire ! Si tu lis le roman, n’hésite pas à revenir me dire ce que tu en auras pensé :)