Juste avant l’hiver de Françoise Henry est la complainte poignante et poétique d’une vieille femme désenchantée, spectatrice il y a vingt ans d’une histoire d’amour qu’elle n’a pu contrôler, qu’elle n’a pu que deviner. D’une histoire d’amour brisée par un régime politique dictatorial. Son long et terrible monologue s’adresse à la jeune et candide Anna, cette resplendissante serveuse Slovaque qui servait dans son café à Prague, en 1969. Elle avait la légèreté, la vivacité et la grâce de la jeunesse et détonnait dans cette ville écrasée de tristesse, broyée par une chape de plomb. Dans le sillage de la belle et joyeuse Anna, les hommes ont chaviré : Heinrich, le pianiste attentionné, l’a aimée d’un amour rassurant, Tomas, le chef des serveuses laid et tyrannique, l’a aimée d’un amour possessif et Pavel… l’étudiant charmant, le poète, le dissident Pavel, l’a aimée d’un amour passionné…
Prague, 1969. Dans le huis-clos du café, Anna évolue sous les regards envieux de ces hommes et sous l’œil scrutateur et impitoyable de son acariâtre patronne, dévorée de jalousie. Pour elle, l’histoire d’amour enivrante et dévastatrice d’Anna et Pavel fait écho à une blessure ancienne, jamais guérie. Devant l’innocence et l’espoir lumineux de la jeunesse, la patronne souffre. Souffre de ses désillusions, souffre de son amertume. Souffre de ce qu’elle a perdu et ne retrouvera jamais. Alors elle les hait, ces jeunes tourtereaux. Elle maudit leur bonheur outrancier et indécent. Cette cruelle et pitoyable lamentation adressée à Anna est le cri de douleur d’une femme blessée par la vie, par l’amour. D’une femme sans espoir, sans rêve. Juste avant l’hiver est une confession malveillante et pourtant si touchante…
Cette mélodie lancinante est porté par un ton profondément mélancolique, teinté de regrets et d’aigreur. Il y a quelque chose d’inéluctable et de serein dans la prose de Françoise Henry. Quelque chose de poétique, de vibrant. Ses mots sont forts et harmonieux, ses phrases sont puissantes et touchent en plein cœur. Elles disent le drame, la violence des émotions et des sentiments. Elles racontent la cruauté d’un contexte historique capable d’anéantir l’amour et l’espoir. Et elles dépeignent Prague, sa tristesse et son charme désuet.
Juste avant l’hiver est un roman entêtant et sublime.
Je l’ai vu plusieurs fois en rayon mais j’avoue que le titre ne m’inspirait pas plus que ça… Un tort parce que ta chronique par contre, elle, m’inspire plus qu’énormément.
Je suis contente d’avoir éveillé ton intérêt pour ce roman, il est très beau, très fort. Certes, c’est long et lent et ça peut agacer les gens qui aiment les histoires dynamiques et rythmées, mais les émotions sont bien présentes, et elles m’ont beaucoup touchée.
Je ne connaissais pas mais j’ai envie de le lire :)