Je reviens de mourir de Antoine Dole est une lecture qui te poignarde. Te lacère l’âme. T’incruste des milliers d’échardes sous l’épiderme. Une lecture sale et abjecte qui te souille. Ce roman parle de sexe, de violence, de solitude et de misère affective. Il te bombarde de mots crus, vulgaires, agressifs. De mots qui rongent, qui charcutent.
Marion aime Nicolas, corps et âme. Elle l’aime à en crever. Nicolas est le pilier, le moteur de sa vie, elle accepte tout de lui, elle accepte tout pour lui : elle encaisse ses coups, sa violence, sa cruauté. Elle rampe à terre, blessée, détruite, saccagée. Quand il lui impose de se prostituer, elle s’offre, se perd, s’oublie entre les mains de vieux dégueulasses…
Ève est une croqueuse d’hommes, elle consomme avec frénésie, avec fureur, elle enchaîne les coups d’un soir, les plans répugnants et infects, ceux qui ne laissent aucune place aux promesses. Ève et son dégoût d’elle-même. Ève, avide de sexe pour mieux fuir l’amour. L’amour, elle préfère le tenir en respect car il la terrorise… Mais il y David, et la confiance inespérée qu’il lui inspire… et si… ?
Ces deux destins croisés puent la détresse, suintent la souffrance. Ça déborde de partout, ça se répand, ça avilit. Une terrible haine de soi pousse ces deux jeunes femmes dans une spirale infernale, régentée par le sexe et la violence. Les mots d’Antoine Dole – vifs, ardents, saisissants – hurlent ce renoncement, cette aliénation, et ne laissent qu’une infime place à l’espoir… Ces femmes, on aimerait leur venir en aide, les protéger des caprices de la vie, les sauver d’elles-mêmes… Ne pas assister à leur descente aux enfers. A leur dissolution. Mais Antoine Dole nous arrache de notre petit confort et nous jette leurs blessures à la face : une fois la première page de Je reviens de mourir ouverte, il est trop tard pour se rétracter. Il faut souffrir pendant cent trente cinq pages, avec Marion et Ève. Partager leur histoire. Vous en sentez-vous capables ?
« Sur la vitre du taxi, elle frotte avec le doigt pour effacer la buée. Dessine un rond puis le fait disparaître en passant la main dessus. Elle en est sûre, que l’amour est une maladie dont on crève. Les sentiments commencent et se finissent. Une mort lente qui met des mois, des années pous dévorer la vie, quand ce n’est pas en quelques jours que ça détruit tout. Aimer ce n’est pas être heureux, c’est ce qu’on veut nous faire croire. Aimer c’est finir seul dans un monde dépeuplé. Aimer c’est attendre de ne plus l’être, croire en des choses qui n’existent pas ».
« Elle baisse la tête et glisse une mèche derrière l’oreille. Réflexe auquel il s’attache. Petite bribe d’une personne qui fait qu’on commence à l’aimer sans rien de fondé. Il voudrait l’embrasser. Il voudrait la protéger du reste du monde. Il se recule au fond du canapé en finissant son verre ».
« Il m’a tapée pour pas grand-chose. Un mot de trop et je ne saurais pas dire lequel. La plaie sèche. Juste à la commissure, dans les angles du sourire. La visage se recompose, s’efface, puis se redessine. Mieux que la fois d’avant, et mieux que celles qui précédaient encore. Faudrait se satisfaire de ça, progrès de la peau à enchaîner les coups ».
Je reviens de mourir est une lecture que je dois à Jérôme, Noukette et Stephie.
Très très envie de le lire, malheureusement je ne l’ai pas encore trouvé en magasin…
Je pense qu’il faut que tu le commandes. Il doit être dur à trouver (ancien titre et très difficile à vendre à mon avis).
Wahou quelle chronique!!! Elle est magnifique.
Je n’ai pas encore lu ce livre mais il est dans ma WL. Ta chronique confirme mon envie de le lire.
Mais au final on voit qu’il t’a retourné, qu’il t’a bouleversé mais est ce que dans l’ensemble tu l’as aimé? ou est-il trop?
Oui j’ai aimé ce roman. Et honnêtement il est juste, parfois violent et vulgaire, mais ce n’est pas « gratuit ». Il y a bel et bien un message derrière, même plusieurs. Chacun sa vision des choses, chacun sa manière d’interpréter, de s’approprier l’histoire. C’est intense et pertinent.
Une lecture très intéressante à ajouter à la liste ;-) merci pour ton retour
Une lecture douloureuse. J’espère qu’elle te plaira en tout cas.
Magnifique billet… pour un magnifique et incroyable roman ! Ce texte laisse les chairs à vif… Il m’a retournée…!
Et oui, une lecture marquante, c’est certain… et je me dois de te remercier encore une fois pour cette découverte Noukette !
Une lecture marquante, c’est rien de le dire ! Tu a été, comme nous, emportée par le tourbillon d’Antoine Dole, son âpreté, sa rudesse, et j’en suis ravi ;)
Ouwa, j’en ai des frissons !! Si la lecture fait frémir comme ta critique…Par contre je ne sais pas si cela me donne envie de le lire ou au contraire de le fuir.
j’attends un peu, mais je le lirai, c’est certain!
beau billet!!
Encore une critique magnifique, mais pourtant malgré ton avis positif, il ne me tente pas plus que ça ^^
Je n’ai pas encore eu l’occasion de lire des titres de cette collection mais elle m’intrigue toujours autant. C’est vrai que c’est souvent dur à vendre comme livres par contre !