Irmina de Barbara Yelin, quel roman graphique dense et impressionnant ! On s’y plonge et on s’y noie. Une œuvre supplémentaire sur la Seconde Guerre Mondiale ? Oui, mais avant tout, une œuvre qui fait preuve d’une grande originalité en témoignant du quotidien d’une femme Allemande sous l’emprise de son régime politique criminel. D’une femme brisée par un contexte historique pesant et une idéologie capable d’empoisonner tout un peuple. Dans Irmina, pas d’héroïsme, pas de grandes leçons morales. Juste la vie, ses troubles, ses dangers. Juste des êtres humains essayant de composer avec les fléaux de leur temps.
Début des années 30, à Londres. La jeune et ambitieuse Irmina vient de poser ses bagages à Londres pour suivre une formation de secrétariat international. Motivée mais sans le sou, elle subvient à ses besoins au jour le jour. Aveuglée par le charme de la vie Londonienne, séduite par l’élégant et studieux Howard – étudiant Noir prometteur d’Oxford – elle reste indifférente aux troubles politiques qui naissent en Europe et ne se sent pas concernée par la menace qui grandit dans son pays natal. Tandis que le climat se fait plus tendu et plus sombre, elle est contrainte de rentrer en Allemagne… pour y vivre, y survivre, elle choisit la voie de la facilité, la voie empruntée par une majorité du peuple : la résignation…
Il est très inhabituel de voir la Seconde Guerre Mondiale abordée sous cet angle. Le résultat est glaçant et magistral. Dans des teintes sombres et gris-bleues soutenues par un graphisme hanté, on observe la montée du nazisme. On assiste à la transformation progressive de l’état d’esprit et de la pensée du peuple sous l’influence de l’idéologie nazie. A l’altération insidieuse de leur libre arbitre. On le voit et on le connaît, ce mal qui ronge. Cet aveuglement qui le soutient dans son ascension. On devient les témoins des ravages de la guerre, qui opèrent sur l’aspect physique et sur la personnalité du peuple. Les visages se creusent, s’émacient, l’espoir et la joie désertent les foyers. Ici la violence n’est pas explicite, mais suggérée, et elle est davantage psychologique que physique : un télégramme annonçant un mari tombé au front, le saccage d’un magasin juif, des vitres brisées, les regards qui se détournent face aux injustices, le rationnement et la faim… cela impacte le lecteur de façon plus pernicieuse. La souffrance s’immisce dans la vie quotidienne. Elle suinte, elle est partout, tout le temps. L’atmosphère, alourdie par les traits noirs et brouillons de Barbara Yelin, est extraordinairement étouffante, oppressante.
Irmina retrace la vie de ce personnage dont la jeunesse, l’innocence et l’espérance ont été fauchées trop tôt, trop brutalement. Irmina, c’est l’histoire d’une vie pour raconter toutes les autres. Pour raconter cette génération qui a grandit trop vite, rattrapée par la folie d’un régime politique…
Irmina de Barbara Yelin est un roman graphique qui marque, qui blesse. Qui revient sur une époque difficile et l’évoque sous un angle plus dérangeant qu’à l’accoutumée. Un chef-d’œuvre.
L’histoire semble belle même si elle est dure. Et les dessins sont splendides.
Je vais le lire sous peu je crois.
Beau mais dur, tu résumes cet ouvrage de façon très juste… J’espère que ça te plaira en tout cas. N’hésite pas à revenir me dire.
Joli billet ! J’ai adoré aussi, particulièrement le dessin qui est à tomber par terre !
Merci ! Oh oui, ces dessins, cette ambiance… ! C’était tellement sombre, tellement suffocant, tellement réussi.