Après Crash, voici Invisible, une autre novella du cycle des Contes du Soleil Noir d’Alex Jestaire. Revenons d’abord sur le concept de cette série. Il s’agit d’un ensemble de romans courts et indépendants proposant une unité d’ambiance et une même approche : un climat très sombre, un aspect fantastique et des éléments de critique sociale. Le narrateur de ces histoires est toujours « le Geek », une sorte d’informaticien underground, un hacker qui a accès à tous les réseaux de la planète.
« Je vis dans une tour d’une de vos banlieues d’Europe, peu importe laquelle – peut-être près de chez vous. Je ne sors jamais. Je mange des pizzas, je bois du soda, je demeure, nuit et jour, devant mes écrans – télévision, internet, CCTV, webcams, smartphones… Je vous ai vus chez vous – sur les réseaux sociaux – je vous connais. Je connais tout le monde. »
Invisible – Alex Jestaire
Il passe aussi une bonne partie de son temps à crawler sur les forums « borderline » du style 4chan et à analyser les données de vidéosurveillance du monde entier. Ceci afin de dénicher les meilleures histoires et de tirer au clair certaines légendes urbaines :
« Nécromancie, cybermagie, envoûtements, pouvoirs psychiques – toutes ces choses sont bien réelles, pour peu qu’on veuille bien les voir. »
Invisible – Alex Jestaire
Le Geek est donc le parfait croisement entre Mister Robot, les lone gunmen d’X-Files et le personnage interprété par Gabriel Byrne dans The end of violence… Tel est le témoin obsessionnel qui imprime sa patte aux Contes du Soleil Noir et qui donne au cycle sa voix – vitriolée, cynique et désabusée.
Cette fois-ci, le Geek narre le destin de Joffrey, un SDF d’origine française, avec un look de « punk-à-chien », qui dort dans les rues de Bruxelles. Le jeune homme a vécu quelques bons moments par le passé. Mais il a pas mal abusé des drogues et a vécu quelque temps à la marge, comme un funambule entre la société et le néant… et il a fini par chuter dans le vide, dans la pauvreté extrême, dans la rue. Maintenant il ne vit plus que comme ça, à mendier des cigarettes et des piécettes pour se payer des canettes de bière…
Puis un jour, il se réveille et quelque chose a changé. Il interpelle les passants comme d’habitude ; comme d’habitude ceux-ci ne répondent pas. Ne lui jettent pas un regard. Ne réagissent pas. Mais cette fois-ci, leur ignorance va encore plus loin. Il se met en travers de leur chemin et même là, ils semblent ne pas le voir. Joffrey va bientôt devoir se rendre à l’évidence : il est devenu invisible…
Alex Jestaire nous livre une fois de plus une acide satire sociale, sous la forme d’un récit punchy et troublant. J’étais curieux de voir s’il réussirait à maintenir le niveau de Crash. Vous l’aurez compris, la réponse est positive ! J’aime le style direct et décomplexé de l’auteur et j’aime le ton acerbe et l’ambiance désespérée qu’il distille dans ses histoires. Pour le moment, les Contes du Soleil Noir sont au nombre de trois, et tous aux éditions du Diable Vauvert.
© Image d’entête – Shutterstock | Homeless
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