Introduction
Dans la grande famille des genres musicaux, l’Ambient tient une place atypique. D’abord parce que ses contours sont particulièrement flous. Nous définissons généralement ce genre comme électronique et basé sur de longues plages musicales, où les progressions sont lentes voire inexistantes. Mais, comme son nom l’indique, c’est l’atmosphère qui compte plus que la musique en elle-même : l’ambient est l’un des genres musicaux les plus visuels. Et quelques notes bien placées suffisent à suggérer à l’auditeur des paysages entiers.
Les morceaux se réclamant de ce genre reçoivent souvent un accueil polarisé : certains appellent cela de la « musique d’ascenseur », d’autres pensent qu’il s’agit de la musique parfaite pour se reposer/voyager. Intéressant de voir qu’un tel type de musique peut servir pour deux activités diamétralement opposées.
L’album qui nous intéresse aujourd’hui, « From Gardens Where We Feel Secure », entre donc dans la catégorie « Ambient ». Mais au-delà d’une simple catégorisation réductrice, intéressons-nous plutôt à ce qui différencie cette œuvre de la masse des albums du même genre.
Parlons d’abord de son auteur, Virginia Astley. Originaire d’une famille de musiciens s’étant notamment illustrés dans les travaux d’arrière-plan, son nom ne doit pas vous sonner familier. Son père s’illustra en tant que compositeur de films et de séries télévisées britanniques. Sa sœur se maria puis divorça de Pete Townshend, le guitariste des Who. Virginia elle-même passera de groupes en groupes, en tant que musicienne de session spécialisée dans les claviers. Elle débutera sa carrière solo dans les années 80.
Bien que « From Gardens Where We Feel Secure » soit chronologiquement son premier album, il est en réalité le second qu’elle ait produit. L’aîné ne paraîtra qu’après la sortie et le succès de son cadet, qui atteindra la quatrième place des charts britanniques, dans la catégorie indépendante.
Nous associons généralement la musique indépendante à la partie immergée de l’iceberg musical, véritable masse de groupes et albums méconnus. Parmi cette masse se trouve de nombreux trésors en attente d’être exhumés. « From Gardens Where We Feel Secure » est l’un d’eux.
L’album
Par où commencer avec ce disque ? Disons simplement qu’il s’agit d’une des plus belles esquisses musicales jamais peintes. Virginia Astley a tenté de décrire en musique une journée d’été dans la campagne anglaise, armée de son piano et d’enregistrements ambiants. Son objectif : nous transporter ailleurs le temps de quelques morceaux.
Une telle mission est relativement difficile : d’abor04d parce que nous avons tous notre propre définition de l’été, et ensuite parce qu’il est difficile de retranscrire une rangée d’émotions en musique, l’oreille étant le seul sens mis à contribution.
Et pourtant…
Dès l’introduction, « With My Eyes Wide Open I’m Deaming », nous comprenons que Virginia Astley a bel et bien atteint son objectif. Quelques notes de piano qui s’envolent, une flûte discrète en arrière-plan, et le chant des oiseaux. Comment décrire autrement un réveil idéalisé à la campagne ? Nous pouvons presque sentir clairement le soleil matinal ainsi que la fatigue qui s’évanouit petit à petit. Et ce n’est que le début. Tout l’album est l’équivalent musical d’une promenade pastorale.
La grande force de Virginia Astley est de réussir à faire ressentir à son auditeur des émotions universelles par la seule force de sa musique. « A Summer Long Since Passed » devient le réveil d’une petite commune de campagne, où le chant des enfants se conjugue au son des cloches. L’été est décliné sous toutes ses formes : de la nostalgie des moments d’enfance sur la magnifique « Summer of Their Dreams », à la chaleur qui accompagne la saison et le malaise qu’elle peut entraîner sur « When the Fields Where on Fire ».
« It’s Too Hot To Sleep » comme l’évoque le dernier titre de l’album. Car l’été est aussi une période de repos. Pour certains du moins. L’album baigne dans une ambiance rêveuse et apaisée. Même si parfois quelques dissonances mélodiques arrivent, comme un rêve se transformant subitement en cauchemar, la sérénité finit toujours par revenir. C’est peut-être un pari osé, mais je pense qu’il est réellement difficile de ne pas être ne serait-ce que touché par la justesse de « From Gardens Where We Feel Secure ». Malgré ses thèmes, l’album arrive à éviter l’ennui avec brio pour peu qu’on y soit sensible. Évidemment, vous pouvez deviner qu’il ne s’agit pas d’un album à écouter dans le métro. Mais si vous faites partie de la famille des gens qui aiment se créer une atmosphère particulière grâce à la musique, l’album est pour vous. Vous pourrez ainsi voyager sans bouger le temps d’une demi-heure salvatrice.
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