Alex Jestaire signe avec Crash une novella particulièrement sombre. Il y évoque le destin de Malika Benwalid, une femme d’origine algérienne vivant en France. Cette mère célibataire peine à joindre les deux bouts. On la suit d’abord dans son quotidien, entre courses, repassages payés au black et emploi de femme de ménage dans des bureaux parisiens. Le ton morose est donné, elle vit dans une banlieue parisienne difficile et travaille non-stop du petit-matin jusqu’à des heures impossibles.
Puis survient le crash. Un AVC la touche alors qu’elle est au volant de sa voiture… L’accident qui en résulte est presque mortel. Son corps et son esprit en sont profondément altérés. Elle traverse un long coma et va survivre à l’état de légume… Et de fantôme. L’histoire prend alors un tour inattendu et va explorer, entre autres, le thème du terrorisme.
Mêlant fantastique et réalisme social, ce récit n’épargne rien au lecteur ; c’est une chute sans fond, toujours plus bas… un uppercut en pleine face. Crash est court et efficace. Pas de pitié et surtout pas de chichi : Jestaire écrit durement, choisissant d’écarter les petits effets de style ou la douceur du ton. Le style employé est très oral (à un point presque extrême) ce qui déroutera peut-être les lecteurs de fantastique ou d’imaginaire « classiques », mais beaucoup moins ceux qui sont habitués à la littérature blanche et/ou qui connaissent déjà les publications du Diable Vauvert.
Le résultat s’apparente à un épisode de Black Mirror : aussi brut, dur et bien réalisé, il porte un regard acide sur les évolutions les plus récentes de notre société. Le livre est ponctué d’illustrations de Pablo Melchor, bien en accord avec l’intrigue et le ton de l’œuvre.
Enfin, notons que Crash s’inscrit dans un projet à plus long terme, les Contes du soleil noir, qui vise justement une unité de ton. Les autres tomes comporteront probablement le même narrateur, qui se fait appeler « Le Geek ». Ce premier opus augure en tout cas de bonnes choses et je suis curieux de savoir si les autres novellas seront à la hauteur de celle-ci…
et le suivant « Arbre » est sorti