La Havane, Cuba, de nos jours.
Contrairement à ce que laisse entendre le titre, Chala, une enfance cubaine, ce n’est pas un personnage principal, Chala, que le scénario laisse découvrir, mais trois. Trois caractères totalement différents et aux vies aussi mêlées que trois arbres plantés trop près dont les racines se frôlent, se croisent.
Il y a tout d’abord Chala, jeune cubain de 11 ans, à l’image de son pays : fier, courageux, as de la débrouille illégale, charmeur, vif d’esprit et de parole, ayant vécu une vie entière par année passée sur Terre. On grandit très vite à Cuba, à croire que la misère financière (et familiale dans le cas du jeune garçon) est un engrais des plus fertiles. Rien ne lui sera épargné : l’absence de père, une mère droguée qui ne peut l’élever correctement et qui dépend totalement de lui mais surtout de l’argent qu’il gagne par ses combines, les heurts et la violence institutionnelle d’un système (éducatif) rigoriste.
Il y a ensuite sa camarade de classe, Yeni, joli brin de fille dont le charme est très loin de laisser Chala indifférent. Elle non plus n’a pas une vie facile : provinciale vivant illégalement avec son père dans la capitale, elle a vite compris que le moyen de s’assurer un avenir plus lumineux est de travailler à l’école où elle fait partie de la tête de classe.
Il y a enfin ce personnage solaire. Cette Victor Novak trigueña (métisse) proche de la retraite. Carmela, leur institutrice. Mais pas que. Elle est aussi cette mère qui fait tant défaut. Elle dispense le savoir scolaire mais surtout le savoir de l’expérience de la vie, sans oublier l’importance de l’affect, et encore davantage de l’affection, dans la construction d’un adulte équilibré en devenir. Elle fait fi de l’intransigeance du système castriste qui souhaiterait la voir réintégrer les rangs du bon soldat professoral. Mais elle n’a pas le temps Carmela d’écouter ces théories aliénantes ! Elle est trop occupée à empêcher ses ouailles de tomber dans la délinquance de la rue à laquelle leur misère les prédestine. Elle est trop occupée à se donner corps et âme pour concrétiser matériellement ses convictions.
Et puis bien sûr, il y a tous les autres, avec leurs joies et leurs « cubanosités » compliquées.
Chala, une enfance cubaine n’est pas un film.
C’est une claque épicée, poussiéreuse et aux couleurs pastel du quartier Centro Habana à la Havane.
Les amoureux de l’île, la sublime « Cuba la linda », feront remonter leurs souvenirs tropicaux et moites enfouis, jamais très loin. Ils savent qu’ils n’ont pas besoin d’un film pour garder les contrastes entiers cubains à fleur de cœur.
Ceux qui la découvrent, découvriront son âme : elle les fera tour à tour, en un claquement de paupière et un étirement de rides, sourire, s’attendrir, rire aux éclats, espérer, se révolter, humidifier avec discrétion ses globes oculaires, voire pleurer, tout naturellement.
Ce chef d’œuvre cinématographique vous sert pendant deux heures l’entière palette des couleurs du cœur habanero, sans aucun filtre émotionnel, à l’état brut, lumineux.
Si vous souhaitez vérifier que vos tripes et votre cœur maintiennent une connexion en bonne santé, Chala, une enfance cubaine est fait pour vous. Si vous faites partie de ceux qui jugent un bon film au fait que personne ne se lève alors que le générique de fin avec ses listes de distribution a commencé depuis deux minutes et trente-deux secondes, ce film est fait pour vous.
Veuillez maintenant redresser votre siège, attacher vos ceintures, éteindre vos appareils « isolationiques ». Nous amorçons notre atterrissage vers l’aéroport José Marti. Avant de quitter l’appareil n’oubliez pas d’ouvrir votre esprit ni de faire quelques exercices de circulation des sentiments.
Arrivée à bon port prévue en date du 23 mars 2016 !
PS : N’oubliez pas d’envoyer une carte postale 2.0 juste en-dessous pour livrer vos impressions !
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