Difficile d’y voir clair dans le tsunami de production des super-héros au cinéma n’est-ce pas ? Marvel en sort facilement deux par mois et le calendrier prévisionnel est à vous donner des vertiges.
Pas facile de s’y retrouver mais non moins difficile de contenter tout le monde. Tous les films de super-héros, même s’ils explosent plus souvent qu’autrement le box-office, ne raviront pas forcément le spectateur. Oui, ne l’oublions pas, c’est aussi et surtout le spectateur qui va pouvoir déterminer en son âme et conscience, dans son intimité, si un film l’a conquis. Ainsi votre serviteur est venu, il a vu et il a été vaincu.
Replaçons le contexte. Avant tout Civil War est le titre d’une saga de comic books parue chez Marvel entre 2006 et 2007. A cette époque Mark Millar s’était associé entre autres à Steve Mcniven sur 7 numéros pour nous peindre une fresque dantesque, où les plus puissants super-héros s’entredéchirent dans une guerre fratricide. Cet arc narratif a été traduit chez nous et est sorti en intégrale de 3 volumes dans la collection Marvel Deluxe.
La comparaison du film Captain America : Civil War avec son support originel ne sera pourtant d’aucune utilité. Le film revendique une adaptation mais c’est plutôt d’une relecture complète qu’il s’agit ici. Rappelons d’abord que l’univers cinématographique de Marvel et sa temporalité sont différents des comic books. Le film a surtout pour objectif de tracer des liens de cause à effet entre les productions sorties à l’écran ces 5 ou 10 dernières années. Toutefois il est tout à fait possible de suivre le scénario sans avoir vu les films précédents. Peut-être manquera t-il parfois des liens pour la personne non avertie, mais rien qui risquerait de gâcher significativement le plaisir. Un des rares échos entre l’œuvre des cases et celle de l’écran demeure la trame de base qui se résume fort simplement : une mauvaise manœuvre durant une mission implique les super-héros dans une catastrophe civile sans précédent.
C’est bien sur ce premier fil que va se tisser toute la complexité de l’histoire. Le groupe des Avengers volant au secours des populations et sauvant la terre de toutes les menaces terroristes et cosmiques semble remporter tous les suffrages auprès des innocents civils…mais les choses peuvent-elles être si simples ? Quand l’une d’entre eux pense agir pour le bien de son leader mais provoque l’explosion d’un immeuble et la mort d’innocents, un abcès trop longtemps infecté se crève. Peut-on vraiment faire confiance à des gens qui se sont institués en groupe d’intervention privé, sans réelle autorité ou coordination ? Doit-on applaudir des êtres dotés d’une incommensurable force de frappe ou les redouter ? C’est pour tenter de répondre à ces questions et prévenir d’autres catastrophes qu’une Commission intime aux Avengers de signer des Accords officiels les plaçant sous autorité légale pour agir. C’est un véritable coup de tonnerre qui va secouer le groupe pour le fragmenter terriblement. Si pour Iron Man il est dans l’intérêt de tous de se plier aux nouvelles règles, d’autres – le Captain America en tête de file – redoutent cette autorité nouvelle. Dans l’ombre, quelqu’un va jeter de l’huile sur ce feu qui couve dans les rangs des super-héros, pour mieux les embraser dans l’incendie d’une guerre fratricide. A cela s’ajoute les tristesses, les fantômes du passé, les terreurs et les regrets de ces combattants qui pourraient bien détruire le monde en même temps que leur équipe.
Le fin mot de l’histoire ne sera bien sûr pas révélé dans ces lignes. On peut toutefois affirmer ceci : avec Civil War Anthony et Joe Russo remportent le pari de raconter à leur manière une partie de l’histoire des super-héros Marvel parmi les plus poignantes et les plus polémiques. Pendant 2h30, le pouvoir questionne la responsabilité. Le devoir interroge la puissance. Depuis des décennies, les super-héros sauvent le monde envers et contre tout. Civil War pose sans concession la question des dommages collatéraux. Déchaîner une puissance titanesque au milieu des villes surpeuplées laisse des traces. Les personnages comprennent ici que parmi ces traces se trouvent des cicatrices qui ne se refermeront pas. Quand les douleurs de l’intime et la peur sont plus fortes que le bien commun, même le plus puissant des héros doit rendre des comptes. Les notions de Bien et de Juste peuvent être bien fragilisées lorsque l’adversaire est un compagnon d’armes. De beaux effets spéciaux au service d’une action puissante et épique, des séquences de doutes et de tristesse chez ceux qui savaient si bien porter le masque. On peut conjecturer sur le devenir de l’univers cinématographique de Marvel après Civil War, mais une chose est sûre : les super-héros sont rarement aussi humains que lorsqu’ils font face aux raisons qui les poussent à agir… et à commettre des erreurs. Derrières les armures, les masques, les pouvoirs, n’oublions pas qu’ils nous ressemblent. Ce n’est pas le nombre des ennemis vaincus ni l’étendue de la puissance dont on dispose qui peut nous apprendre à vivre avec le poids des fautes ou celui du passé.
Je n’ai pas encore pris le temps d’y aller.
Mais clairement, je suis tentée :-)
Une très belle critique pour un très beau film !