Nina Bouraoui est une auteure qui sait parler d’amour. Ses mots justes et délicats résonnent en moi à chaque nouveau roman. Beaux rivages, c’est le récit d’une séparation. C’est le récit d’un homme et d’une femme, qui s’aiment à distance – lui à Zurich, elle à Paris – depuis huit ans. Qui se nourrissent de moments tendres, d’instants simples. C’est l’histoire du temps qui s’installe dans leur relation. Du temps et de l’habitude, qui ne résistent pas à l’attrait de la nouveauté. Alors, c’est l’histoire d’Adrian, qui quitte A. pour une autre femme. L’Autre, la rivale, l’obsession. C’est l’histoire d’un bonheur qui éclate en morceaux pour ne laisser que des miettes. C’est le début d’une longue descente aux enfers pour A.
Je ne reçus, n’identifiai aucun signe annonçant notre rupture. Il m’arrivait d’y penser, l’amour est imprévisible. Il survient quand on ne l’espère plus, disparaît alors qu’on le jugeait acquis. Il est sans prise et sans durée, sinon celle que l’on veut bien lui prêter. Il est cruel. Il y est souvent question de sacrifice. Je ne crois pas que l’on puisse mourir d’amour, mais sa perte nous éteint et nous devenons sans lui des pierres sèches, grises.
La surprise et l’incompréhension laissent la place à la colère, à la haine. Dirigées vers celle qui lui a ravi son homme, son bonheur, sa vie. Et puis viennent la douleur, le manque, la difficulté à s’effacer, à céder sa place, et l’impossibilité d’avancer seule, sans l’être aimé à ses côtés. L’amour s’échappe, s’éloigne et laisse place au vide. Abyssal. Le vide qui avale tout entier. L’absence qui transpire dans chaque minute du quotidien : la place froide dans le lit, le silence… Avec Beaux rivages, Nina Bouraoui raconte les noeuds dans l’estomac, les insomnies, la disparition de l’envie, la perte de confiance. Elle dit la fragilité qui étreint et la rage qui dévore.
Je n’avais pas vu les nuages arriver, notre ciel s’assombrir, sûre que l’horizon serait toujours dégagé, et si un jour il ne l’était plus, j’étais certaine que nous aurions assez de force et surtout assez d’ingénuité pour en chasser les orages. L’amour est ce qu’il y a de plus incertain : sublime dans son envol, hideux quand il se brise sans prévenir.
Beaux rivages redonne foi en l’amour, en la vie. Il raconte la guérison et la reconstruction – un chemin long et parsemé de difficultés. Il dit la possibilité de se réinventer seul, après avoir été deux pendant de nombreuses années. Il vous dit que les tempêtes s’apaisent, que les nuages s’éloignent, et que l’on finit toujours par apercevoir, au loin, de beaux rivages…
Je ne sais pas si le bonheur est un, entier, grand large et unique, ou s’il est constitué de fragments poétiques – l’odeur de l’herbe après la pluie, le premier jour de l’été, un champ de coquelicots, un ciel d’arrière-saison, un glacier bleu, la certitude de faire partie d’un tout qui avance d’un seul élan, aime d’un seul amour. Je ne sais pas si l’on peut mesurer, quantifier le bonheur. Si l’on peut le saisir comme un objet, le serrer contre soi, l’empêcher de tomber. Je ne sais pas s’il y a des signes ou s’il survient sans prévenir.
Quand je t’ai rencontré, j’ai su que ce n’était pas comme d’habitude. J’avais toute ma raison. Je veux dire par là que je savais ce que je faisais. Que pour la première fois je choisissais, et ne subissais plus […]. Quand je t’ai rencontré, c’était simple et compliqué. Simple, parce que nous étions en accord, sur la même ligne, compliqué car je savais que nous n’étions pas de passage l’un pour l’autre, mais engagés sans nous le dire, portés par ce qui nous dépassait, nous protégeait. Nos failles furent nos atouts. Nos secrets furent nos aveux. Nos ombres furent nos lumières. Nos défauts furent nos qualités […]. L’amour véritable est celui que l’on porte à l’autre en se dérobant à soi. Je n’ai pas voulu t’offrir une place, Adrian. J’ai voulu t’offrir la meilleure des places, et j’espère avoir été assez humble pour me recroqueviller à temps quand nous n’arrivions plus à nous tenir l’un à côté de l’autre sans nous faire tomber.
Très belle chronique qui donne envie de découvrir ce roman ;)
Merci beaucoup, j’espère que tu auras l’occasion de le lire :)
Jamais lu cette auteure je crois, pourquoi pas ? ;-)
A tester ;) Je pense qu’elle pourrait te plaire !
Ta chronique me donne vraiment envie de lire ce roman (et de découvrir l’auteure par la même occasion) :)
Merci ! J’espère que tu auras l’occasion de faire connaissance avec la plume de Nina : ce n’est pas forcément facile, et elle ne fait pas vibrer tout le monde… mais moi, je suis sous le charme <3