Ada, de Antoine Bello, paru aux éditions Gallimard, est un roman aussi étonnant que génial !
Imaginez donc un inspecteur de la Silicon Valley, quinquagénaire, romantique, passionné par les haïkus, réfractaire aux avancées technologiques, déprécié par ses collègues et dominé par sa patronne – une femme dévorée d’ambition et revêche. Imaginez un inspecteur qui ne s’est jamais distingué pour quoi que ce soit – hormis son intégrité et sa générosité, tournées en dérision par ses camarades flics. Un inspecteur à la carrière plutôt insignifiante… Un inspecteur, tout ce qu’il y a de plus ordinaire, en somme. On est loin – bien loin – du cliché du flic qui se distingue par ses actions héroïques, par son courage à toute épreuve et sa perspicacité hors norme. Ce Frank Logan n’est pas un héros, mais il est au moins un homme honnête, sensible et profondément attaché à ses valeurs.
Imaginez donc cet inspecteur, tiré du lit à l’aube par sa patronne, qui l’envoie enquêter sur une disparition. La victime ? Une intelligence artificielle, Ada, programmée par la société Turing Corp pour… écrire des romans d’amour ! Pour pondre des Harlequins à la minute ! Notre inspecteur, qui méprise cette littérature et ne comprend rien à la technologie, se sent rapidement dépassé. Sa spécialité, ce sont les proxénètes. Les trafics humains. Pas les intelligences artificielles. Et, lorsqu’il découvre progressivement ce qui se trame au sein de Turing Corp, lorsqu’il en comprend les enjeux, il finit par se demander s’il ne serait pas dans l’intérêt de l’humanité de ne pas retrouver Ada… Alors comment gèrera t-il cette enquête qui va à l’encontre de ses valeurs et de ses convictions ?
Ah, Ada. Quelle divine lecture ! Drôle et intelligente ! Surprise, curiosité, rire, indignation, angoisse, chagrin et déception, tout y est, et l’équilibre est parfait ! Le lecteur est happé par l’enquête policière, fasciné par les réflexions développées autour de la littérature, du langage et de la surenchère technologique. Il est touché par les personnages humains et non-humains, amusé par les réparties savoureuses qu’ils s’échangent ! Frank et Ada, l’homme et la machine. Est-ce qu’en faisant un pas vers l’autre ils parviendraient à se comprendre ? A se respecter ? Ou sont-ils trop différents ? Ada interroge avec finesse sur ce qui différencie l’homme de la machine. Et sur les mutations désastreuses que subirait notre société si la machine venait à remplacer l’homme…
Un roman pour tous ceux qui s’intéressent à la littérature et à la technologie. Et pour tous les autres, aussi.
L’épopée personnelle dont se glorifiait Dunn l’irritait presque autant. Entre les cérémonies de remise de diplôme dès la maternelle, les louanges excessives des professeurs et les encouragements permanents, les Américains avaient déjà le chic pour se congratuler. L’épopée personnelle, véritable hymne à la médiocrité, allait les conforter dans leurs travers. Pire, en élevant au rang de héros des hommes et des femmes dont le seul mérite était d’être nés, on dévoyait encore le langage : si crétins et génies avaient droit au bout du compte à la même nécrologie, les mots perdaient leur pouvoir de dire la réalité. Or, les mots, pour Frank, étaient sacrés.
Il m’attend, chouette !!