« Un hiver à Paris », la dernière parution de Jean-Philippe Blondel, ne manque pas d’attirer le regard en cette saison glaciale. Il y a cette couverture froide, minimaliste, austère, mélancolique. Les toits Parisiens, sombres, surplombés par un ciel gris et lourd. Tristesse, solitude, le ton est donné. Il y a ce titre plein de promesses, qui annonce une parenthèse sans doute importante. Qui pique la curiosité. Et il y a cet hiver mystérieux qui nous enchaîne, nous broie. Cet hiver marqué par le drame, l’absence, l’égarement. Il y a cet hiver… mais quel hiver ?
Il n’est plus nécessaire de présenter Jean-Philippe Blondel (06h41, Blog, Double jeu, Un endroit pour vivre), cet auteur sensible et compréhensif. Capable d’analyser finement les sentiments et les émotions. Faisant de l’ironie et de la dérision un art à part entière. Une fois encore il nous livre un roman intime et profond – si authentique qu’on se demande s’il ne serait pas en partie autobiographique. Est-ce la jeunesse et les expériences de l’auteur qui transparaissent dans ce récit ? Bien que cette question puisse tarauder le lecteur, il n’est en rien indispensable d’obtenir une réponse. Inspiré de son vécu ou non, « Un hiver à Paris » touche et charcute.
Fin des vacances scolaires. Un professeur s’en revient des Landes – où il a séjourné avec sa famille – et s’apprête à retrouver son quotidien. Sa vie simple, rassurante, sans anicroche. Du moins le croit-il… A son retour, il découvre une longue lettre, deux feuillets rédigés par une vieille connaissance. Il débute sa lecture et les souvenirs affleurent… Paris – son immensité, son effervescence – la prépa – sa compétitivité, sa férocité – et Mathieu… Mathieu pour atténuer la solitude, pour apporter couleurs et légèreté dans ce milieu insensible où le labeur est roi… Mathieu, le frémissement d’une amitié, les balbutiements d’un attachement profond, Mathieu, un rendez-vous manqué…
« Un hiver à Paris » dresse une critique acide du monde impitoyable des classes préparatoires, de cet enseignement abusif qui pousse les élèves à bout, les isole, les déshumanise. Une critique du rythme soutenu – insoutenable ? – à maintenir, de la pression subie quotidiennement, des performances exigées pour briller dans ces écoles prestigieuses. Une dénonciation caustique de cette sélection naturelle odieuse qui élimine les éléments les plus faibles et les renvoie vers un avenir plus approprié – moins distingué. Tout y passe, Jean-Philippe Blondel n’épargne rien ni personne. En prennent pour leur grade les professeurs tyranniques et imbus d’eux-mêmes, leurs sentences et leurs paroles lourdes de mépris, les administrations aveugles et muettes, les camarades de classe froids et distants. C’est édifiant…
Et au cours de ces années sévères et décisives, des adolescents se cherchent, se testent. Certains se trouvent, d’autres s’égarent… « Un hiver à Paris » raconte l’histoire d’hommes et de femmes qui s’accrochent les uns aux autres pour ne pas sombrer. Pour essayer de donner du sens à leur existence. Des amitiés insolites se nouent et se dénouent, par nécessite plus que par affinité.
De sa plume toujours aussi tranchante, Jean-Philippe Blondel remue le passé de son narrateur et nous noie dans ses tristes souvenirs de jeunesse. De ce récit émane une mélodie lancinante, mélancolique, qui poursuit, qui hante. Une mélodie magnifique.
Comme je te le disais sur Facebook, je crois que ce livre est pour moi, petite parisienne et khâgneuse aguerrie !
Oui, je le crois aussi ! Tu risques de te reconnaître pas mal dans son récit. Par contre il est dur et Blondel est assez sévère sur le monde de la prépa. Je pense que ça colle avec Paris, mais moi j’ai connu une toute petite prépa de Province, plutôt détendue et bonne ambiance – et heureusement !
C’est étrange de lire cette chronique, non pas qu’elle ne soit pas belle, au contraire, mais parce que Jean-Philippe Blondel est quelqu’un que je connais, il a été mon professeur d’anglais en primaire. Et oui ! Pourtant je n’ai encore jamais lu un de ses livres ; sûrement car je le connais déjà en tant qu’homme et non en tant qu’écrivain. Quoi qu’il en soit, il faut vraiment que je me fasse mon avis sur ces écrits et peut-être que je commencerai par ce roman-ci puisqu’il a l’air de t’avoir bien plu.
Oh c’est vrai, tu l’as connu ? Quelle chance ! J’ai une collègue qui était aussi son élève. Ça renforce mon impression que c’est quelqu’un d’accessible et d’humble. Et sinon, tu peux essayer de commencer par n’importe quel autre roman de lui, je les ai tous aimés – enfin tous ceux que j’ai lus (et il y en a des plus joyeux, parce que celui-là est vraiment dur).
Tu as raison, je vais sûrement commencer par un de ses livres au thème plus léger. :)
Bonjour,
Je suis restée sur une déception avec « Passage du gué », un livre qui touche à l’intime également, et du coup, je n’ai jamais retenté cet auteur. J’ai trouvé son écriture plate, certes pudique mais trop, presque à l’écart, ce qui est dommage quand on touche à des thèmes aussi sensibles…
Ah tiens, je n’ai pas lu « Passage du Gué », peut-être es-tu tombée sur un de ses moins bons romans ? Je l’espère en tout cas. Je crois qu’il est assez vieux comme titre, peut-être que tu devrais retenter le coup avec un de ses derniers romans. Ses intrigues sont toujours très simples, mais j’aime la profondeur de ses analyses et la causticité de sa plume.
Un roman de Jean-Philippe Blondel, il faut que je le lise. Cet auteur est fantastique, je me régale à chacun de ses romans! :)
Oui, j’aime tous ces romans aussi ! Celui-ci est beaucoup plus sombre que les autres, mais il est tellement fort… !