Sur l’île, une prison, de Maurizio Torcho, paru aux éditions Denoël, est un beau roman sur l’incarcération. Beau, oui. D’une profondeur insoupçonnable. On ouvre ce livre sans avoir de véritables attentes et on en ressort grandi. Avec beaucoup de pudeur et une neutralité déstabilisante, la voix du narrateur nous décrit le milieu carcéral, un monde fascinant, effrayant, impénétrable. Sans juger ni sombrer dans le misérabilisme, il nous invite à pénétrer entre ses murs. À apprendre à connaître des détenus – et un en particulier… À vivre à leurs côtés. À partager certaines émotions : leurs joies, leurs espoirs, leurs frayeurs, leurs souffrances.
Le narrateur a pris perpet’. Emprisonné pour enlèvement et séquestration, il a ensuite été condamné à perpétuité et placé à l’isolement, après avoir tué un gardien. Ces murs seront son domicile jusqu’à sa mort. Ces murs seront désormais son seul et unique monde. Il n’a plus d’horizon. Plus d’avenir. Plus de rêve. Alors, d’une voix distanciée, déshumanisée – la voix d’un homme résigné qui a accepté son sort, la voix d’un homme extérieur à lui-même -, il raconte. Il décrit tout par le menu. Avec des phrases courtes, vives et percutantes, il nous dit la prison. Il nous dit les détenus. Les gardiens. Les visites, les femmes et les enfants. Il nous dit la nourriture. Il nous dit la solitude. Les bruits et les silences. Les règles. Les violences, les rapports de force, les humiliations. Sur l’île, une prison. De cette prison, s’élève une voix. En un long monologue, elle dresse une description froide et clinique de la vie carcérale. Pourtant, c’est beau. C’est émouvant.
Sur l’île, une prison s’adresse à ceux qui souhaitent découvrir le milieu carcéral de façon objective, à l’aide d’un style détaché. A ceux qui souhaitent comprendre les rouages du pouvoir et de la captivité. A ceux qui ne cherchent pas à lire un récit tire-larmes, porté par des personnages aux émotions puissantes. A ceux qui ne veulent pas de l’action, du mouvement, du rythme. La lecture est fluide, mais plutôt lente. Déroutante.
Sur l’île, une prison est une expérience littéraire marquante. En bien ou en mal ? A vous d’en juger, car les avis divergent…
On te dit : Oreilles. Tu plies tes oreilles et tu te tournes, d’abord à droite, ensuite à gauche.
Narines. Tu penches la tête en arrière, pour faciliter l’inspection.
Bouche. Tu ouvres la bouche. Les portes du corps s’ouvrent sur commande. Tu ouvres la bouche mais on ne t’alimente pas. On n’ajoute pas : on contrôle que tu n’aies pas.
Soulève la langue. Tu obéis.
Tire la langue. Tu obéis.
Gencives. Tu écartes tes lèvres avec tes mains. Tes doigts à la disposition des gardiens.
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