Il est des livres que l’on prend avec mille précautions, dès les premières secondes, comme des bijoux. Un titre qui fait écho à nos souvenirs, à nos espoirs, une couverture qui ravit notre cornée, un format qui nous enchante… Les raisins sauvages s’installe confortablement dans cette catégorie.
Dès la prise en main, les terminaisons nerveuses de vos extrémités de doigts signalent l’originalité de la couverture d’un influx interrogatif : s’agit-il d’un album pour enfants ou d’une œuvre d’art ? On peut en effet se poser la question tant le toucher s’apparente à celui d’une toile en lin.
Mais la prouesse artistique ne s’arrête pas là.
Si l’histoire est somme toute assez classique, dans la droite lignée des contes traditionnels merveilleux, ce sont bien les illustrations d’une extraordinaire finesse qui éblouissent le lecteur. Ces dernières, à l’aquarelle, dans un camaïeu de la couleur dominante de la page, semblent entourer, réconforter d’un doux halo l’héroïne, une « petite gardeuse d’oies ». Orpheline, la pauvrette se fait mener la vie dure par sa tante, mère d’une petite aveugle et jalouse de ses yeux pétillants. Un soir, par frottement de chaux au visage, elle la rendra aveugle à son tour. Sans se laisser abattre, la petite fille partira en quête des grains de raisins sauvages qui auraient la propriété de faire recouvrer la vue à quiconque en mangerait. Cette recherche ne sera pas de tout repos et de nombreuses péripéties attendent notre petite amie asiatique.
La douceur des illustrations ne sera pas de trop pour la câliner dans les moments difficiles, ainsi que la protection des divers protagonistes du merveilleux.
Ce conte classique aux méchants vraiment méchants et aux gentils presque naïfs sait néanmoins rompre avec le conformisme du genre et ce dès les premières lignes en ne commençant pas par le traditionnel « il était une fois » et se terminant par une situation quasi inédite. Conventionnellement, au moment du dénouement, les méchants disparaissent de l’histoire d’une manière plutôt atroce (se font tuer, torturer, dématérialiser par magie ou autres méthodes à traumatiser une limace romantique), ce qui n’est pas le cas ici : la tante fera amende honorable de son mauvais comportement auprès de sa nièce et laissera entendre au lecteur qu’une famille heureuse et unie naîtra de la quête poursuivie.
La morale de l’histoire est donc plaisante en suggérant à l’enfant que si l’on est bon, généreux et courageux, notre comportement impactera également notre entourage qui se comportera lui aussi en suivant ces valeurs, par effet-miroir. Qui récolte les raisins sème la tendresse, en somme.
Les éditions Feï ont pour particularité de terminer leurs livres en ajoutant une double page présentant les auteurs et illustrateurs. Dans celui-ci, on découvre en bonus l’histoire du livre, qui est pour le moins originale. Le conte, datant de 1956, a été illustré dans une de ses nombreuses versions en 1985 par Wu Jinglu. Ge Cuilin, auteur de la première édition, décide de faire appel à ce dernier pour publier cette nouvelle version du conte parue en France en mai 2016 (en Chine en 2012) après un nouveau travail de coopération et d’amélioration de la version première.
Les raisins sauvages est un vrai petit trésor à toucher et à observer délicatement, sans empressement, dès l’âge de 4-5 ans, préférentiellement, en raison d’un lexique plutôt soutenu.
Ouh la la, je tombe amoureuse de suite !! Il a l’air splendide !!!!!!!