Il y a des films que l’on attend longtemps. Que l’on espère pendant des années, parfois. Vous savez, ces films qui vous marquent à vie. Qui laissent une empreinte indélébile dans le coeur. Ces films qui se comptent sur les doigts d’une main et dont le seul souvenir vous fait vibrer. Manchester by the sea est de ces films. Et la performance sublime de Casey Affleck n’y est pas pour rien. L’Adagio d’Albinoni non plus.
Lee Chandler est gardien d’immeuble. Il vit dans le Massachusetts, à Boston, dans un trou à rats. Avec sa solitude, sa colère et sa profonde mélancolie pour seules compagnes. Il n’aime pas son métier, il n’aime pas ses clients. Détaché de tout, imperméable à la vie, il mène une existence mécanique et ne semble d’ailleurs pas apprécier grand chose…
Jusqu’au jour où il reçoit un appel téléphonique qui vient briser la linéarité de la vie insipide qu’il s’est appliqué à construire. Son frère vient de mourir et il doit retourner à Manchester, sa ville natale. Il lui faut mettre en ordre les affaires de son frère, devenir le tuteur de son neveu, composer avec la douleur de ce dernier, mais surtout, affronter les fantômes du passé et sa culpabilité – toujours aussi vive malgré les années…
Quelle intensité ! Pendant plus de deux heures, Manchester by the sea vous donne à voir un homme brisé, qui, après des années de dérive, est rattrapé par ses responsabilités. Comment peut-il gérer cet adolescent quand lui-même ne parvient pas à émerger du gouffre dans lequel il est plongé depuis si longtemps ? Comment peut-il se préoccuper de formalités triviales alors qu’une profonde souffrance le ronge ? Les nombreux flashbacks distillés dans le film vous donnent les clés pour comprendre cet homme. Comprendre son drame personnel et sa douleur. Ses regrets. Sa culpabilité et ces punitions qu’il s’inflige. L’interprétation de Casey Affleck est extraordinaire. Sobre, tout en retenue. Il dissimule la souffrance de son personnage derrière une austérité de façade et il exprime son mal-être à travers des attitudes, des gestes, des regards et des silences mélancoliques. Et ces moments où il s’abandonne à ce chagrin endigué au fond de lui depuis si longtemps sont déchirants…
La simplicité et la lenteur du film le rendent si authentique… Toutes ces petites scènes de vie banales – déblayer la neige devant chez soi, conduire, boire une bière dans un bar, regarder un match, déposer son neveu à l’école, réchauffer une pizza au micro-ondes, faire brûler une sauce, etc. – sont ponctuées de moments puissants, de moments de pure douleur, palpable. Cette authenticité nous fait passer du rire aux larmes – et les deux à la fois, souvent. Parce qu’on vit tout, on ressent tout plus fort. La sobriété et le réalisme de Manchester by the sea nous invitent dans le quotidien de cette famille déchirée et décuplent nos émotions. Nous plongeons dans les plus petits détails de cette histoire, ce qui la rend douloureusement plus substantielle. Rien n’est de trop. Et rien ne manque. Tout est juste, poignant.
Manchester by the sea est un film si beau et si fort que l’on n’a pas envie d’en sortir – et même, on en redemande, puisque je suis retournée le voir au cinéma trois jours plus tard. Lee Chandler n’est jamais bien loin… La compassion et la tendresse ressenties pour cet homme continuent de vibrer en vous. Son histoire vous poursuit et il est difficile de s’en arracher pour revenir au réel, qui semble fade, sans saveur.
Un film magnifique, gravé dans mon coeur.
Tout le monde en fait tellement d’éloges de ce film… je crois que je vais finir par craquer, me rendre moi aussi en salle de cinéma ! :)
J’espère qu’il ne te décevra pas. Quand on lit trop de critiques élogieuses, on a en général beaucoup d’attentes après. Mais j’ai confiance, ce film est superbe <3
Je suis loin d’en avoir pensé autant de bien mais pour autant, je comprends ton avis. Je pense que j’ai été moins sensible à ce film parce que je ne me suis pas attachée à Lee Chandler et que je l’ai trouvé un peu long, notamment dans sa première partie. Je ne pense pas qu’il mérite un Golden Globes dans les catégories dans lesquelles il est nominé, mais je peux comprendre pourquoi c’est un film qui peut être apprécié.
Article que j’ai aimé lire. C’est toujours sympa de découvrir un avis différent du sien et aussi bien expliqué ^^
Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je suis allée voir ta chronique du coup, j’étais curieuse de lire tes arguments ! C’est étrange parce que je peux aussi comprendre ton ressenti. Je crois qu’en fait ce film c’est une pure question de feeling et chaque avis se respecte. Justement, la retenue de Lee, le fait qu’il intériorise tout et ne laisse jamais sortir sa peine m’a rendu le personnage infiniment plus fragile et intense. Quant aux scènes qui s’étirent, j’ai eu du coup l’impression de les vivre dans leur intégralité : exactement comme si j’y étais.
Bref, pour moi c’est le coup de coeur comme tu l’as compris, et je suis navrée que tu ne l’aies pas partagé.
Il a l’air vraiment pas mal ! Je le note.
Oh il est plus que pas mal même ! ;)
Voilà j’ai vu le film. Je suis déçu par la fin. Je trouve que le film s’enlise, alors qu’il était très prometteur. Dommage
Oh non, tu ne peux pas me dire ça, pas toi ! :p
Pour le coup, j’ai trouvé la fin particulièrement juste et une autre fin m’aurait déçue, mais je ne peux pas en parler ici, on attendra ma venue en Avril pour en parler ;)