Cela faisait un moment que la bande-dessinée « Kililana Song » de Benjamin Flao me tentait, alors quand le second tome est arrivé dans mes cartons de nouveautés je l’ai feuilleté, il m’a attiré et je me suis dis que le moment était venu de me lancer ! Je suis repartie avec les deux tomes sous le bras et les ai lus dans la foulée. Ce sont vraiment deux bels albums touchants d’humanité, qui s’ancrent au Kenya, dans l’archipel paradisiaque de Lamu, et mettent en scène une palette de personnages aux vies très différentes et aux multiples personnalités : trafiquants de drogues, marins, prostituées, cinéastes, vieillards, touristes… L’auteur tisse une toile autour de tous ces individus, une toile qui mène inexorablement vers un final inattendu et époustouflant.
Pendant ces deux tomes nous suivons Naïm, le narrateur de cette histoire, un jeune garçon de onze ans qui passe son temps à faire l’école buissonnière, à errer dans la ville et fréquenter de drôles d’individus. Son frère Hassan, très croyant, essaie inlassablement de le remettre dans le droit chemin, mais c’est sans compter l’espièglerie et la vivacité dont fait preuve son jeune frère, après lequel il est souvent obligé de courir en vain. Naïm est un garçon attachant et débrouillard, qui a le don de se mettre dans des situations délicates et de s’en sortir. Ce roman graphique d’apprentissage nous invite à suivre ses différentes expériences, à observer ses aventures et à vibrer pour ce petit bonhomme facétieux.
Mais Naïm n’est pas l’unique personnage de l’histoire et le récit alterne différents points de vue, ce qui enrichit et étoffe la narration. L’intrigue se complexifie au fur et à mesure de la lecture. Le lecteur apprend à connaître les personnages, à les aimer ou à les mépriser, et découvre petit à petit les liens qui unissent certains d’entre eux. Les vies se croisent et s’entremêlent, le temps de prendre un verre, de partager un lit, de mâcher du qat, ou d’essuyer une tempête en mer…
Le graphisme qui accompagne cette histoire est une véritable invitation au voyage, une ode à l’Afrique. De grands décors Africains dépaysants aux tons chauds, doux et ensoleillés se déploient sur des doubles pages, sous nos regards ébahis. Les traits qui composent les protagonistes sont épais, noirs, hachurés et griffonnés et leur confèrent du caractère. Les personnages ont des « gueules », sont très typés et loin d’être lisses.
Ces deux albums sont également l’occasion pour Benjamin Flao d’aborder des thèmes plus sensibles : la destruction de beaux paysages naturels née du désir de moderniser et d’accroître l’activité touristique d’un bel endroit, faisant fi des croyances et des modes de vie des autochtones. Ou encore la toute puissance que les hommes Blancs s’octroient au détriment d’autres civilisations bien établies. L’auteur aborde aussi des sujets tels que l’addiction aux drogues, la prostitution, les trafics…
Une œuvre riche, surprenante et multiple que j’ai pris plaisir à découvrir.
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