Qui n’a jamais rêvé de fréquenter l’illustre Albert Einstein ? Le gratin intellectuel de l’université de Princeton ? De découvrir à quoi ressemblaient les soirées et les discussions des génies ? C’est chose possible avec La déesse des petites victoires de Yannick Grannec. Comment vivaient les plus grands mathématiciens, physiciens ? Comment se comportaient-ils dans leur intimité ? Vous découvrirez cet aspect plus méconnu de leurs vies en lisant La déesse des petites victoires. Vous pourrez rire des plaisanteries d’Einstein, vous effrayer des lubies de Kurt Gödel. C’est à ce génie moins connu du grand public que ce roman s’intéresse. Proche d’Einstein, marié à une femme dévouée et souffrant de multiples névroses, il a eu un destin éprouvant marqué par son génie et sa folie destructrice…
La déesse des petites victoires retrace la vie houleuse de Kurt Gödel à travers le témoignage émouvant de sa femme Adèle. En 1980, deux ans après le décès du mathématicien, la jeune Anna, mandatée par l’université de Princeton, rend visite à Adèle dans son « mouroir » – la maison de retraite où elle est placée – afin de récupérer les archives du mathématicien. Une amitié étonnante naît de ces rendez-vous réguliers entre Anna, jeune documentaliste réservée, peu sûre d’elle, austère et Adèle, cette grosse dame revêche et amère. Au fil de ces visites une complicité se noue entre les deux femmes, qui ont finalement beaucoup de choses à se dire… A tour de rôle, les chapitres évoquent le passé d’Adèle, sa jeunesse, sa vie avec son époux et sa vieillesse, qui consiste à languir dans une maison de retraite abominable en attendant la mort…
Ce roman contient des longueurs dérangeantes pour les lecteurs qui ignorent tout du monde des mathématiques. Des conversations interminables et obscures sur la physique, les mathématiques et la philosophie ralentissent le rythme du roman. Bien qu’elles soient indispensables pour comprendre la vie de ces personnages – elles étaient le terreau de leur quotidien – elles pèsent à de nombreuses reprises…
Mais La déesse des petites victoires est bien plus qu’un roman sur le génie Kurt Gödel : c’est un roman sur la vie, la force de l’amour, la fidélité et le dévouement. L’histoire narrée est celle d’Adèle, une modeste danseuse Autrichienne, une femme amoureuse qui sacrifié sa vie pour la mettre au service de son époux, génie prodigieux mais fragile et irresponsable. Épouse, mère, infirmière, cuisinière, présence rassurante et aimante, la petite danseuse inculte et vulgaire a œuvré dans l’ombre toute sa vie pour procurer au génie un foyer sain et stable. Pour qu’il puisse se réaliser en toute quiétude. Jusque dans les dernières années elle n’a vécu que pour lui, supporté son égoïsme, ses névroses, son hypocondrie et ses lubies. Son abnégation n’a eu d’égale que sa persévérance. Elle a été le témoin du délitement progressif de leur amour et du déclin de la santé physique et mentale de l’homme qu’elle aimait. Ce roman magistral est le récit d’un homme qui, dans sa folie, a détruit sa vie et emporté celle sa femme. Le récit d’une femme admirable et passionnée qui s’est vouée corps et âme à son mari désincarné : pour le meilleur et pour le pire.
La passion d’Adèle, obstinée, a traversé l’Histoire et les continents. De Vienne à Princeton, de 1928 à 1980, cette passion a survécu et bravé les intempéries. Ce roman précis, documenté, au style ébouriffant est un monument d’érudition et de tendresse.
J’avais passé tant d’années à refouler mes propres envies pour préserver le semblant de sérénité de notre couple. Qui veux-tu voir ? Que veux-tu manger ? Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? Comme il te plaira. Plus rien ne me plaisait. J’avais usé ma résistance ; je me soumettais au vide, moi aussi.
A travers la fenêtre, par-dessus la bouilloire, je contemplais le jardin, triste et nu. Je ne me souvenais pas comment j’avais glissé du bonheur à l’abandon. Le gris s’était installé en moi. Il avait raidi mes muscles et mon aptitude à la joie.
Il n’y avait plus une goutte de courage en moi. J’habitais une grosse bonne femme toute sèche. Mon être me hurlait d’abandonner la lutte. J’étais énorme, il était transparent comme si j’avais aspiré toute sa chair. Pourtant c’était bien lui qui m’avait usée, lui qui s’était servi de moi comme d’une batterie d’appoint. Ces dernières années me semblaient interminables. Je n’avais pas eu d’enfants. Je ne laisserais aucune œuvre derrière moi. Je n’étais rien. Je n’étais plus que souffrance.
[Adèle] avait été le terreau du sublime ; la chair, le sang, les poils, la merde, sans lesquels l’esprit n’existe pas. Elle avait été la condition nécessaire, mais insuffisante ; elle avait consenti à n’être qu’un maillon : à tout jamais la bonne grosse Autrichienne inculte.
Bon… Je pense que je vais le lire un de ces quatre ;)
Mince, ce livre a l’air vraiment intéressant. Mais si tu dis que les passages « matheux » sont un peu longs, c’est quelque chose qui risque de me gêner. Du coup je ne suis pas sûre de vouloir le lire.