Crazy Ex-Girlfriend, c’est quoi ?
C’est l’histoire de Rebecca Bunch (jouée par Rachel Bloom), une avocate à New York, promue au sein de sa boite. Alors qu’elle est très malheureuse et remet toute sa vie en question, elle rencontre son amour de jeunesse. Il lui dit qu’il est là pour quelques jours et qu’après il retournera à West Covina, en Californie. Ni une, ni deux, Rachel prend ses valises, se trouve un job et part vivre en Californie, près de son grand amour Josh. Bon, déjà là, on se dit que Rebecca a clairement un pète au casque. Mais ce n’est rien comparé au moment où elle arrive à West Covina et se met à chanter en pleine rue sur un air digne de Broadway. Parce que oui, Crazy Ex-Girlfriend c’est avant tout une comédie musicale. Mais elle n’est ni imbuvable ni niaise. Non non. Dans cette série, les chansons ne durent pas plus de deux minutes et elles sont pleines d’humour. Crazy Ex-Girlfriend, c’est la comédie qui ne se prend pas au sérieux et qu’il faut vraiment regarder au second degré pour pouvoir en rire.
Rebecca n’est pas une amie fiable. A part chasser Josh, monter des plans machiavéliques pour le conquérir, laisser tomber ses amis qui l’attendent dans un bar car il l’a appelée, relire ses textos une centaine de fois en essayant de deviner la signification d’un smiley et faire tout le contraire de ce qu’on lui conseille, elle ne sert pas à grand chose dans la vie. Mais Rebecca a quand même une amie et c’est surtout d’elle qu’on va parler aujourd’hui.
L’épisode 4 de la saison 2 se concentre principalement sur Paula, qui vient enfin de réaliser son rêve de s’inscrire dans une école de droit. Ses enfants sont grands, son mari la soutient et elle se sent enfin capable de faire de ses envies une priorité. Sauf que Paula découvre qu’elle est enceinte. Quand son mari lui dit qu’il existe des solutions si elle ne veut pas garder cet enfant, Paula lui répond que l’avortement c’est pour les adolescentes après un bal de promo.
Que ce soit dans Crazy Ex-Girlfriend ou dans d’autres séries, c’est vraiment agaçant de voir à quel point le choix de l’avortement n’en est même pas un. Il est proposé rapidement – ou pas du tout -, un personnage s’en offusque, un autre parle de Dieu et hop, on passe à autre chose sans même avoir un réel débat sur le sujet. Combien de personnages dans les séries télés ont eu des enfants alors qu’elles n’en voulaient pas ? Dans Un, Dos, Tres, Silvia préfère participer à un concours de danse physiquement intensif dans l’espoir de perdre le bébé plutôt que d’aller se faire avorter (pardon pour la référence). Lynette Scavo, dans Desperate Housewives, garde son bébé après en avoir déjà eu quatre. Elle vient de se remettre d’un cancer, elle reprend à peine le travail, elle dit elle-même ne surtout pas vouloir de cet enfant, mais elle le garde quand même. Quinn Fabray, dans Glee, le garde alors qu’elle a quinze ans. A son âge les gamins se roulent des pelles dans la cour de récré mais elle préfère accoucher. Gloria, dans Modern Family, tombe enceinte de Jay, qui a quand même pas loin des 70 ans et clairement un pied dans la tombe, mais tout va bien dans le meilleur des mondes, tant que personne n’avorte.
Ce passage était vraiment décevant. Comment est-ce qu’une femme, à notre époque, peut-elle mettre de coté ses envies, son avenir et sa vie parce qu’elle tombe enceinte sans le vouloir et que personne n’ose lui parler de TOUTES les options disponibles ? Bien sûr, il ne faut pas avorter à tout va. Mais si même dans des séries regardées par des centaines de milliers de gens, on n’aborde pas le sujet franchement, on n’arrivera jamais à ancrer l’idée que la femme est tout à fait capable de prendre ce genre de décision seule et de faire de sa vie, de son corps, ce qu’elle veut et non pas ce que la société attend d’elle.
Je suis tout de même allée au bout de l’épisode et, finalement, ma déception s’est envolée. Rachel Bloom a en fait très bien réalisé son épisode. On y voit clairement l’évolution de la pensée de ses personnages.
Paula remplace Rebecca pour une plaidoirie. Son interlocuteur lui dit qu’elle aurait pu devenir une très bonne avocate et que c’est dommage qu’elle abandonne son projet d’école de droit. On la voit réfléchir, on comprend qu’elle se demande ce qu’elle veut vraiment. Paula prend alors la décision d’avorter.
On ne peut bien sûr pas dire que tout se termine bien puisque Paula souffre évidemment de son avortement. Mais ce qui est important, c’est qu’elle a su qu’elle avait choix. Il est important que ce choix fasse parti du débat, même si ce n’est pas celui qu’on fera. Et il est très important que des séries américaines se battent pour changer l’image de l’avortement. Non, ce n’est pas un acte cruel que d’avorter, non il n’y a pas que les gamines qui tombent enceintes sans le vouloir et oui, des femmes qui ont une bonne situation financière, qu’elles aient un mari ou non, peuvent ne pas vouloir d’une grossesse. Les accidents arrivent et il faut arrêter de les définir autrement que par le mot accident. Il faut montrer que ce droit est un choix fait par et pour la femme et non pour le tas de cellules qu’elle porte. C’est un choix fait par un être humain, vivant et conscient de ce que va devenir sa vie, qu’il prenne ou non cette décision.
Alors je dis bravo à Crazy Ex-Girlfriend d’avoir eu l’audace de mettre ce sujet sur le tapis et de l’avoir traité de façon à ce qu’on comprenne que la décision avait été murement réfléchie, et non prise sur un coup de tête. Merci à Crazy Ex-Girlfriend d’avoir montré que la vie d’une femme ne se résume pas à celle d’être mère et qu’en aucun cas la grossesse est une fatalité.
Nous avons des droits et je pense que dans les années à venir, il va falloir s’accrocher pour les garder. Certaines personnes viendront les remettre en question, certains pays se feront une joie de nous montrer leurs idées rétrogrades. N’oubliez surtout pas, notre corps, notre décision. Répétez-le autant de fois qu’il le faudra à nos détracteurs. Ils sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le croit.
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