Hors de moi de Claire Marin est un roman d’une petite centaine de pages, qui puise sa force et son intensité dans l’écriture acérée et perspicace de son auteur. Celle-ci évoque sa maladie, que l’on ne peut que deviner car elle n’est jamais citée. Maladie chronique qui ne peut être soignée et avec laquelle elle doit composer afin d’essayer de vivre. Loin d’être un témoignage larmoyant et une exhalaison de Pathos, ce roman est touchant, que dis-je, poignant, et nous emmène au plus près de la maladie, de ce qu’elle a de plus cru, nous la voyons de l’intérieur et restons impuissants à l’évocation de ses symptômes physiques et psychiques. Nous suivons l’auteur au cœur des hôpitaux au point que le lecteur peut en sentir les effluves.
« Le malade est idiot. Enfermé dans sa douleur, dans son corps qui le torture, dans sa tête obsédée par la maladie ou possédée par la souffrance. Il ne parle plus comme les autres. Il ne conjugue plus qu’avec prudence ses phrases au futur. Il est un être du conditionnel. Si je vais bien, si je guéris, si je ne suis pas hospitalisé sont les sous-entendus de chacune de ses phrases. Pas de futur simple. Pas de projection spontanée. L’élan de la pensée, comme celui du corps est freiné par des charges invisibles qui pèsent sur les articulations de sa vie. Les mouvements, comme les espoirs, son plus lents. »
Claire Marin est une philosophe et cela transpire dans chacune de ses phrases : malgré la difficulté de témoigner d’un problème si personnel, si intime, le lecteur devine qu’elle a l’habitude des mots, elle les choisit et pèse chacun d’eux mots afin de traduire au mieux ses ressentis et ses sentiments face au calvaire qu’est sa vie. Victime d’injustice et d’incompréhension, sa vie est une lutte permanente contre la colère, la solitude, et l’envie d’abandonner le combat.
Dans Hors de moi, ce roman qu’elle qualifie elle-même « d’impudique », Claire Marin se met littéralement à nu : elle parle de son corps comme d’une chose déshumanisée et manipulée sans vergogne par les médecins. Privée de son identité et de son intégrité, elle souffre de voir le corps médical nier son individualité et ne la traiter que comme un cas, une malade, un paquet de chair à étudier. L’auteur s’arrête longuement sur l’aspect avilissant de la maladie, sur tout ce qu’elle inflige au corps et à l’esprit qu’elle colonise.
« La musique est comme la maladie. Elle n’autorise pas qu’on la suive distraitement. Elle exige une attention constante. Elle ne s’accorde pas avec n’importe quelle humeur, elle impose un sentiment, elle le créé même chez celui qui l’écoute. Elle l’envahit, le possède. Être malade, c’est comme être obsédé par un même refrain agaçant, par une mélodie entêtante, qui accompagne chacun de nos sentiments, qui nous interdit d’être vraiment présent à nos propres pensées, qui colonise notre intériorité. »
J’ai été émue par ce parcours fait de souffrances et de douleurs. La plume incisive de l’auteur et ses propos pertinents font de ce récit une œuvre brutale et réaliste. Hors de moi est roman est très court, prenez le temps de le lire et de vivre un profond moment d’empathie.
Laisser un petit mot